20 mai 2014

Celui-là n'est pas un bonobo

Julien et moi nous disons qu'il serait peut-être profitable que Flore évacue ses colères et exprime - d'une façon ou d'une autre - ses ressentis à quelqu'un d'autre que nous. Et d'ailleurs, nous avons probablement tous les trois besoin d'extérioriser pour mieux comprendre les situations et comportements qui pourraient nous inquiéter.
Trouver un pédo-psychiatre disponible de nos jours relève du défi. Partout où j'appelle dans les alentours de chez moi, on me répond qu'il n'y a pas de places disponibles avant des mois.
Faut pas être sur une urgence.
Ou alors, c'est Sainte-Anne direct.

Nous aurions pu aller voir notre ami le bonobo, mais celui-ci doit à l'heure actuelle jouir d'une retraite bien méritée, et c'est tant mieux pour lui... D'autant que je ne suis pas sûre de la façon dont Flore, avec son caractère et sa franchise, aurait réagi en le voyant disparaître sous la table.

Après quelques recherches, je découvre qu'un psychiatre parisien, spécialiste de l'adoption, a créé une consultation
filiations dans un centre médico-psychologique dont il est le médecin-directeur.
Là, une équipe médicale spécialisée prend les familles en charge, propose des activités, des rencontres, des psychothérapies de groupe, tenant compte des besoins spécifiques de l'adoption.
Et les consultations sont gratuites.

Nous, qui aimons bien faire les choses différemment, décidons de ne pas passer par cette consultation, mais d'aller voir le psychiatre en direct dans son cabinet personnel.
Je ne sais pas pourquoi. Une idée, comme ça.

Et nous voilà, ma sœur – qui m'accompagne toujours dans les bons plans – Flore et moi en voiture, direction Paris, qui est à une quarantaine de kilomètres de chez nous.
Julien, lui, qui travaille non loin de la capitale, se rend chez le psychiatre directement en train. Nous nous retrouverons sur place.

Bien évidemment, ce jour-là, il pleut des cordes, et le périphérique est complètement embouteillé. Enfin, encore plus que d'habitude. Ca traîne, ça traîne, je commence à flipper : nous allons être en retard. Comme je n'ai pas le numéro de téléphone du psy sur moi (ç'aurait été trop beau), j'appelle mes parents, leur demandant de chercher son numéro dans les pages jaunes et de me rappeler, puis je rappelle le médecin (tout simple) :
- Bonjour docteur, euh... je suis Marie M., maman de Flore, vous savez... euh... nous avons rendez-vous ce matin, mais je suis bloquée dans les embouteillages, c'est le périphérique... et la pluie... vous savez... Hu ! Hu ! Hu!Nous risquons d'être en retard, mais peut-être pas, mais sûrement, et mon mari arrive par le train, lui devrait être à l'heure, enfin j'espère... euh... je voulais savoir... vous-même, vous n'auriez pas un peu de retard ?
La culpabilité et la gêne me vrillent le cerveau. Question cohérence, je décroche la palme. Avec le coup de grâce quand j'entends la réponse qui claque comme un coup de revolver :
- Zéro retard !
Vexée, je bafouille que je fais au mieux, promis désolée pardon.
- Oui. Faites donc ça.
Super première impression. De part et d'autre. Lui doit me prendre pour une mère turlututu, confuse et négligente. Et moi, il commence déjà par me ficher la trouille.
Nous quittons enfin le périphérique, il pleut toujours, quand Flore se met à chouiner à l'arrière de la voiture.
- Maman, pipi !
- Ah non, tu ne vas pas t'y mettre toi aussi !
- Pipiiiiiiii !
- C'est urgent ? (question bête, Flore attend toujours le dernier moment pour dire qu'elle a envie de faire pipi)
- PIPIIIIIIIIII !
Paris, sous la pluie, dans les embouteillages, sans endroit pour se garer, alors que ça y est, nous avons dix minutes de retard.
- Bon, retiens-toi bien, hein ?(pas de vêtements de rechange. Ca serait le pompon, chez le psychiatre, d'avoir une gamine trempée de pipi), je cherche, je cherche !
- Viiiiite, maman ! Le pipi, i 'ommence... !
Et hop, finalement, je ne cherche rien du tout, je m'arrête en catastrophe et en deuxième file n'importe où, sors sous la pluie battante, extirpe ma gamine qui se tortille dans tous les sens, et lui fais faire pipi au milieu de la place d'Italie.
- Rôôô ! Maman, i' pleut !
Je n'avais pas remarqué.
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Après que je me suis bien abîmé le dos à porter Flore sous la flotte, nous remontons en voiture, trempées (mais de pluie, l'honneur est sauf) et quelques erreurs de route plus tard, finissons par arriver devant chez le psychiatre. Bien sûr, il n'y a pas de places pour se garer. Je m'arrête sur un bateau à quelques encablures, et donne la voiture à ma sœur, chargée de trouver une place (la pauvre). Puis j' empoigne Flore sous mon bras (« Aïe, maman, 'u me 'ais mal ! ») et cours jusqu'à la porte. Là, Julien nous attend et m'accueille gentiment :
- Ca commence bien ! T'aurais pas pu partir à l'heure ?
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Je ne prends même pas la peine de répondre, le psychiatre nous fait entrer dans son cabinet. Nous avons une demi-heure de retard. Je transpire, j'ai les cheveux trempés, le souffle court, le rouge aux joues (de la course à pied et de honte), mais le médecin me rassure :
- Reprenez-vous, pas de soucis. Je comprends (Ouf!). Ne vous inquiétez pas, je ne vous ferai payer que la moitié de la séance.
Je me détends, me défais de ma première mauvaise impression. Il est charmant, ce médecin !
Je ne vous raconte pas la séance, c'est sans intérêt. Une séance classique, où nous nous racontons, nous dévoilons, demandons à Flore de bien vouloir parler au docteur :
- NON !
Comme ça, il est tout de suite dans l'ambiance.
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Ce médecin-là ne disparaît pas sous son bureau, mais ferme souvent les yeux en nous écoutant parler, et d'ailleurs, à un moment, je me demande s'il ne s'est pas endormi. Mais non. Il rebondit à chacune de nos interventions, et l'un dans l'autre, à part Flore qui ne veut pas en décrocher une et lorgne dangereusement sur les dossiers posés sur le bureau, ça se passe plutôt bien. Et d'ailleurs, en habitué, le médecin donne à notre fille une boîte remplie de petits jouets, ce qui détourne habilement son attention du bureau.
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Nous parvenons rapidement à la fin de la séance – une demi-heure, ça passe vite - où le psychiatre nous annonce le tarif de la demi-séance.
- C'est cent dix euros, s'il vous plaît.
Julien a un spasme. Moi-même, peu sûre d'avoir bien compris, je fais - astucieusement - répéter le médecin :
- et donc, je vous fais un chèque de... de...
- Cent dix !
Rictus.
- Très bien !
L'horreur.
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Cent dix euros la demi-séance. Ce qui signifie deux cent vingt euros la séance.
Fort heureusement, il nous donne rendez-vous le mois prochain, ce qui fait qu'on va avoir le temps de se remettre un peu, financièrement.

Mais il va falloir aussi que la thérapie soit rapidement efficace. Parce qu'à ce rythme-là, on sera peut-être mieux psychologiquement, mais on devra probablement tous les trois partager la pâtée low cost du chat.


1 commentaire:

  1. mais normalement un psychiatre est pris en charge par la sécu, non? quoique à ce tarif -là, lol, je crains que ça ne passe pas

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