28 janv. 2014

33 - Pendant ce temps, la vie continue... La dernière cigarette du condamné à mort


Ben oui, ça n'a pas l'air comme ça, à me lire, mais j'ai aussi parfois d'autres occupations que des dossiers d'adoption.
Quand même.

D'autant que maintenant que l'attribution a été faite, nous n'avons plus qu'à attendre que la procédure se déroule, tout là-bas, en Haïti.
Et à part flipper, il n'y a plus grand'chose à faire.

Et c'est amusant, parce que du coup, j'ai du mal à me replonger dans le quotidien : la parenthèse a été si longue.

Ce qui me fait reprendre pied dans la réalité du quotidien, en fait, c'est la peur. Alimentée par les magazines, les parents d'élèves, les copines.
La peur du changement.


Eh ouais ! Jusqu'à présent, on a vécu tranquillou pendant des années, rien que pour soi :
Se lever quand on veut.
Dîner à pas d'heure.
Passer le dimanche vautré devant la télévision.

Sortir quand tu veux.
Rentrer quand tu veux.
Ne pas manger ses cinq fruits et légumes si on a envie d'une journée frites-mayo-quiche-pizza-tablettes-de-chocolat-coca.


Et j'en passe. 

Bien sûr, tous ceux qui sont passés du côté obscur de la ma/pa-ternité ne manquent pas de nous encourager avec gentillesse (et aigreur parfois, aussi) :
- Vous allez voir, quand votre enfant sera là, vous n'aurez plus une seconde à vous !
- Profitez, profitez... tant que vous le pouvez encore !
- Repose-toi, prends des forces, tu vas en avoir bien besoin !
- Paye-toi quelques séances de papouillage chez l'esthéticienne, après, ce ne sera plus possible.
- Commence à mettre de l'argent de côté, pour les couches. Enfin entre autres !
- T'as intérêt à faire tout de suite une cure de vitamines.
- Vous devriez commencer à prendre le rythme (celle-là, elle me plaît beaucoup) !
- Vous allez voir, ça va changer votre vie (l'inconsciente que je suis n'y avait pas pensé) !

C'est limite flippant, non ? Surtout moi qui en ai vraiment bavé pour l'avoir, ce gosse : Je me demande dans mes meilleurs moments de flou si tout ce que j'ai entrepris a bien un sens !

Alors je décide de me lancer à corps perdu dans la débauche : la dernière cigarette du condamné à mort.

Ca commence par une soirée entre filles.
Les copines et moi, on a repéré un petit resto de tapas,
la Bodega, dans une grande ville près de chez moi, où Louis XIV a fait construire une espèce de grand château (pas de pub !).

Nous sommes Christine, Frédérique, Flo, France et moi à partir en goguette, toutes bien habillées, maquillées, bijoutées, brushinguées. On n'a pas l'intention de draguer, mais on a envie de se faire belles quand même, par respect pour les copines. Au moins.


Comme dans ces cas-là, on n'est pas fines, et qu'on n'a surtout pas envie de l'être, on commence la soirée très fort à faire semblant de parler couramment l'espagnol en mettant des « as » et des « os » à la fin de chacun des mots qu'on prononce.


Oui, je sais, c'est nul, mais qu'est ce que c'est rigolo.

Ca nous vient en lisant la carte : chocos, choquitos, pimientos asados, croquetas, empanadillas, gambas, parrochas, patatas bravas, et j'en passe.
Il paraît qu'à l'origine, les tapas étaient faites pour réduire l'ébriété. Pour nous, c'est un peu raté, parce qu'on préfère arroser les tapas avec des ca
as ou du valdepeas (ce sont des alcools. Je dis ça au cas où vous n'auriez pas pris espagnol au collège).

Ca passe mieux, on trouve, les amuse-gueule, avec du liquide !


Nous voilà donc à demander au serveur, qui a du mérite, de nous « serviros quelques douceuros, les spécialitos du chefos, du vinos et une toute petitos carafos d'eaus ».


Si vous n'avez jamais vu cinq pintadas pleurant de rire à refaire puérilement le dictionnaire franco-espagnol avec des mots en « os » et en « as », cette soirée-là est un prototype.

La commande passée, la soirée s'engage tranquillas : on déguste, on rigole, on picole !


Evidemment, avec tout ça, on ne passe pas inaperçues, et notamment un homme seul, d'âge mûr, chapeau sombre sur la tête, quelques tables plus loin, qui nous jette des oeillades à la dérobée, n'échappant pas aux filles perspicaces que nous sommes, malgré le vinos tintos.


Le repas continue, sur notre lancée, on a beaucoup de mal à se calmer, entre deux fous-rire, on parle de tout et de rien, mais surtout pas de maris, d'enfants, de boulot, et tout ce genre de choses qui fâchent.


Arrive le dessert.
Et on n'est pas déçues, les copines et moi, parce qu'il y a également parmi les desserts espagnols quelques noms en « os » ou en « as », qui viennent drôlement enrichir notre vocabulaire :
Miguelitos, torrijas, et autres bizcochos borrachos (notez que pour ce dernier, pas besoin d'avoir fait d'espagnol pour relever incidemment la petite consonance bourrative).

Moi, je choisis des chocolate con chourros, ce qui ne peut pas faire grossir, vu qu'à part le chocolat fondu dans de la crème fraîche, on ne trouve que de la farine frite dans l'huile.

Nous en sommes là de nos considérations culinaires, quand le monsieur au chapeau et aux oeillades se lève, se dirige vers nous d'un pas majestueux, ôte son couvre-chef, met un genou en terre face à mon amie Frédérique, et entonne d'une voix de stentor :
« La belle de Cadix a des yeux de velours,
La belle de Cadix vous invite à l'amour
Et malgré son sourire et son air engageant
La belle de Cadix ne veut pas d'un amant
Chi-ca, Chi-ca, Chic ! Ay ! Ay ! Ay !
Chi-ca, Chi-ca, Chic ! Ay ! Ay ! Ay ! 

Aaahhhhhh ! »

Puis après avoir baisé la main d'une Frédérique soumise car médusée, repart aussi dignement se rasseoir et boire son café, sous les applaudissements des autres clients du restaurant.

Nous, ça
nous coupe la chique (a chic, a chic ! Ay ! Ay  ! Ay  !), et on met un certain temps à se remettre. Pour dire, on n'essaie même plus d'apprendre à parler espagnol.

Mais quand enfin on reprend nos esprits, monte un énorme, un monstrueux, un délirant fou-rire à faire pipi par terre (c'est une image, hein ?).

Le meilleur dans tout ça, c'est que moi, pas une seule secondos je n'ai pensé à cette sata
os procéduros à la coos !



17 commentaires:

  1. Superrrrrrrrrrrrr la soirée entre filles, comme je les aime...ça fait bizarre de voir une maîtresse assez fofolle...mais qu'est ce que ça fait du biennnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn ce genre de délire....bisous Sophie!!!

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  2. hihi
    craignos ? non
    class ? non
    vulgos ? non
    à la ramasse ? non
    délirios entre copinas que bonos :-)

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    1. hihihihi! Superos délirios ! ;-)

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    2. hhihihi, les "foldingoss"! J'adore!
      J'aurais adoré faire partie de ce groupe ce jour-là...et j'aurais certainement fait pipi par terre, moi! ;-)
      Ca fait du bien le délirium, de temps en temps, pour décompresser...Bravo! Un peu de légèreté aussi...
      Gros bisous Sophie!

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    3. C'est bon je suis 200ème ! hohoho

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    4. Oui, Evelyne, j'adore rire ! Et faire rire ! C'est tellement bon ! ;-) Et ce soir là, je t'assure que ça a été topissime ;-)
      Mais j'en ai d'autres en réserve, aussi...

      Stone, NONNNNNNNNNNNN ! C'est pas encore maintenant, la 200 ème ! Il en faut encore quelques-uns !

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    5. C'est maintenant ?

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  3. ça me rappelle trop une fête entre pote où on s'appelait les uns les autres avec l'accent espagnol du nom de tous les mots français se terminant en -ion....Moi, c'était Fion!

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  4. Très chère Stone, la 200ème ça sera moi!! mais je suis partante pour une soirée toutes ensemble rien que pour le plaisir de vous Evelyne faire pipi par terre parce que VOUS raconterez des bêtises.

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  5. J'aime beaucoup votre texte et l'humanité qu'il y a dedans !
    ^_^
    Cécile (visiteuse via fb)

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  6. passionnée et passionnant, vite la suite!!! Sylvie.

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  7. On a eu 2 enfants d'un coup, on a jamais fait autant de choses depuis qu'ils sont là (camping, campement en pleine nature, achat d'un fourgon pour bouger, week end à l'hotel/site touristique, concert à 3000 personnes...)
    Sans doute ave cl'argent économisé grâce à l'utilisation des couches lavables...et surtout parcequ'on avait pas envie de changer d evie, mais de le sinclure dans une vie qui nous plaisait!

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