Bon. On a l'agrément.
Qu'est ce qu'on fait maintenant ?
La question peut te paraître bête, mais franchement, on a tellement oeuvré pour avoir ce papier, qu'on se sent tout nu maintenant qu'on l'a en poche.
Voire on ne sait pas du tout quoi en faire.
Ils auraient pu
faire un film super8 pour nous le dire.
Mais non. Nous voilà livrés à nous-mêmes.
Mais non. Nous voilà livrés à nous-mêmes.
Je relis avec attention les documents donnés par la DDASS, et découvre que pour poursuivre les démarches, on peut s'adresser aux OAA, organismes autorisés à l'adoption.
Il existe en France une trentaine de ces associations, assez méconnues dans l'ensemble, qui s'occupent de faire la transition entre l'adoptant et les administrations des pays où l'adoption est possible.
On est tout content, Julien et moi, que de gentilles organisations se proposent d'intercéder pour nous.
Ces associations, gérées chacune par une minuscule poignée de personnes (qui n'ont jamais adopté), recommandées (enfin, listées) par les services sociaux, paraissent dans un premier temps à l'apprenti-adoptant le moyen incontournable de monter son dossier pour l'adoption internationale.
Elles portent des noms alléchants : Sourire de l'enfant d'Asie, les Amis des Enfants de la Terre, Chemin vers l'Amour, Fondation Enfance et Partage, Espoir du Monde, Accueil-Afrique, Vivre en Famille, Mon Enfant ma Lumière, Viens mon enfant …
Ca pourrait presque paraître ridicule si nous n'étions aussi enthousiastes et pressés de faire la connaissance de tous ces sourires, ces lumières, et ces chemins.
Lassés de faire des démarches et de monter des dossiers, nous décidons de nous en remettre à ces spécialistes aux noms parfumés.
Entraînée depuis quelques mois, reprenant ma plus belle plume (celle qui est emphatique, pontifiante, ampoulée et responsable), je me fends d'une trentaine de lettres de motivation - car oui, tout le monde nous demande d'être motivés – que nous envoyons (après que j'aie embrassé les enveloppes) à autant d'OAA.
Julien et moi, presque sans en discuter, avons choisi l'adoption internationale. Les délais pour avoir un enfant en France sont souvent plus longs que les cinq années de validité de l'agrément.
A 39 ans, nous ne
pouvons pas nous permettre de lambiner encore.
On a déjà bien assez traîné comme ça.
Et puis, Julien et moi sommes d'accord : un enfant, c'est un enfant; d'où qu'il vienne, ce sera notre enfant.
La période qui suit l'envoi des courriers aux OAA est une période... comment dire... calme. Nous attendons les réponses. Qui ne viennent pas.
Pourtant, mes lettres étaient motivées.
Je n'ose les harceler.
Un mois passe. Puis deux.
Alors, je décide de harceler.
Je ressors mes dossiers, relève les coordonnées des trente organismes, et je téléphone.
Pour les vingt premiers organismes que j'appelle, je tombe sur des répondeurs qui me redonnent le nom parfumé et me demandent de rappeler qui le jeudi de 9h45 à 10h30, qui le mardi après-midi de 14h20 à 15h10.
Ca tombe bien, c'est pile dans mes horaires de travail.
On a déjà bien assez traîné comme ça.
Et puis, Julien et moi sommes d'accord : un enfant, c'est un enfant; d'où qu'il vienne, ce sera notre enfant.
La période qui suit l'envoi des courriers aux OAA est une période... comment dire... calme. Nous attendons les réponses. Qui ne viennent pas.
Pourtant, mes lettres étaient motivées.
Je n'ose les harceler.
Un mois passe. Puis deux.
Alors, je décide de harceler.
Je ressors mes dossiers, relève les coordonnées des trente organismes, et je téléphone.
Pour les vingt premiers organismes que j'appelle, je tombe sur des répondeurs qui me redonnent le nom parfumé et me demandent de rappeler qui le jeudi de 9h45 à 10h30, qui le mardi après-midi de 14h20 à 15h10.
Ca tombe bien, c'est pile dans mes horaires de travail.
J'insiste, et tombe enfin sur un être vivant. Ma correspondante, secrétaire d'une association très connue pour ses actions humanitaires, semble dérangée par mon appel :
- Bonjour Madame, excusez-moi de vous déranger, pardon, je vous appelle suite au courrier que nous vous avons envoyé (pardon) il y a un mois pour un dossier d'adoption.
- Votre nom ?
- Anne et Julien M.
- Un instant !
Accueil charmant. Ma gorge se noue, comme si j'avais quelque chose à me reprocher.
- Oui, nous avons reçu votre courrier
- Oui ?
- Nous ne pouvons donner suite.
(merci de ne pas m'avoir prévenue plus tôt)
- Ah ! Et pourquoi?
- A cause de votre âge.
- Pardon ?
- Votre âge, s'agace mon interlocutrice, comme si j'étais demeurée mentale. Vous êtes trop âgés, on ne prend pas les couples trop vieux!
- ….
- Désolée (même pas vrai), mais il faut bien déterminer des critères de sélection, l'âge en est un : 39 ans, c'est trop vieux.
Sa réponse me laisse sans voix, je ne m'attendais pas à cela et, les larmes aux yeux, je raccroche en trouvant tout de même la force hypocrite de lui lâcher :
- Merci madame, bonne journée (et pardon. Aussi).
Elle ne répond pas : inutile de perdre sa salive avec les vioques un peu demeurés.
Sur les quelques organismes qui ne sont pas sur répondeurs, les réponses sont les mêmes. On m'informe que nous sommes trop âgés, ou que nous ne correspondons pas à leurs critères (qui sont ?...).
Et puis, finalement, à deux doigts du suicide, j'en dégotte une qui veut bien nous faire l'honneur de donner suite à notre courrier.
Soulagement.
Je reprends le sourire, jusqu'au moment où j'entends mon interlocutrice m'annoncer :
- Alors, pour commencer, nous allons établir votre dossier.
Bon.
- Ca commencera par une étude de votre cas avec les entretiens. Vous rencontrerez notre médecin, notre psychologue et notre assistante sociale.
Comment, comment, m'étonne-je non sans raison. Mais nous avons déjà fait toutes ces démarches avec la DDASS. Preuve à l'appui : je vous envoie tous les rapports illico, ça vous fera gagner du temps !
- Que nenni, objecte-t-elle, c'est la procédure. Il faut tout refaire avec nos propres partenaires.
C'est la procédure...
Je reste sans voix.
Tu as lu le Château, de Kafka ? J'avais adoré (dans ma jeunesse – Ô combien lointaine, il est vrai), mais ça m'avait bien angoissée, aussi. Quelques réminiscences m'assaillent.
Elle en profite pour finir d'enfoncer le couteau :
- Mais tout ça, pas avant deux ans, parce qu'il y a la liste d'attente.
Je reprends le sourire, jusqu'au moment où j'entends mon interlocutrice m'annoncer :
- Alors, pour commencer, nous allons établir votre dossier.
Bon.
- Ca commencera par une étude de votre cas avec les entretiens. Vous rencontrerez notre médecin, notre psychologue et notre assistante sociale.
Comment, comment, m'étonne-je non sans raison. Mais nous avons déjà fait toutes ces démarches avec la DDASS. Preuve à l'appui : je vous envoie tous les rapports illico, ça vous fera gagner du temps !
- Que nenni, objecte-t-elle, c'est la procédure. Il faut tout refaire avec nos propres partenaires.
C'est la procédure...
Je reste sans voix.
Tu as lu le Château, de Kafka ? J'avais adoré (dans ma jeunesse – Ô combien lointaine, il est vrai), mais ça m'avait bien angoissée, aussi. Quelques réminiscences m'assaillent.
Elle en profite pour finir d'enfoncer le couteau :
- Mais tout ça, pas avant deux ans, parce qu'il y a la liste d'attente.
J'ai une bouffée de
chaleur (l'âge, peut-être ?).
Je fais le compte : Deux ans pour remonter la liste d'attente, plus six à huit mois d'entretiens-qui-ne-font-pas-du-tout-double-emploi, puis, si nous sommes aptes, trois mois de montage de dossier pour le pays de notre choix. Puis, selon le pays, deux ou trois ans d'attente minimum pour que la démarche aboutisse.
Assommée, je remercie froidement cette voix anonyme qui me fait entrevoir la possibilité d'être mère à 50 ans - ou plus - et je m'effondre en proie à une douleur sauvage.
Les larmes dans la voix, j'appelle Julien, démoralisée. Nous parlons longuement. Je ne suis plus sûre de vouloir être maman... être maman... Le rêve simple de milliards de femmes sur terre. Le don de la nature.
Pour la première fois, je n'ai plus la pêche, l'envie s'amenuise, étouffée par les critères, les paperasses, les délais, l'incompréhension. Comment une telle envie, comment mon désir d'enfant, si fort, qui nous a fait passer par tant d'épreuves, peut ainsi se rabougrir.
Parler avec Julien me fait du bien, mais je sais qu'il est triste, aussi. J'entends malgré tout ses paroles réconfortantes entre mes sanglots. Et sa voix calme me répète, comme à une petite fille blessée, de rappeler madame Marvel pour lui demander son aide.
Madame Marvel ! Qui nous a fait un excellent rapport social parce qu'elle pense que nous serons de bons parents. Madame Marvel, qui ne travaille pas au Crédit Agricole, qui nous tacle violemment quand on parle de faire une bonne action en adoptant, qui vient transpirer avec nous lors des canicules.
Elle, elle saura, me dit Julien.
Et je crois qu'il a raison.
Bon, d'accord, il faut attendre mercredi entre 9h30 et 11h.
Mais on n'est plus à ça près.
Comme toujours, madame Marvel est d'excellent conseil : A peine étonnée des réponses des OAA, elle m'affirme à nouveau que nous sommes et allons être des parents, des bons parents, mais que pour cela, eh oui, nous devons nous accrocher.
Elle nous fait confiance, nous avons prouvé que nous sommes forts. Elle sait que rien n'entâchera notre motivation. Et surtout pas les ONP (= organismes aux noms parfumés).
- Laissez tomber les OAA, me dit-elle. De nombreux couples entreprennent leurs démarches en individuel. Il faut vous y mettre. Vous y remettre.
Tout de suite.
- Vous êtes sûrs que ça va marcher ? M'entends-je lui demander d'une petite voix tristoune.
- Oui ! Je vous promets que c'est possible !
Ah! Madame
Marvel ! Merveilleuse madame Marvel ! Comme je vous ai aimée ce jour-là !
J'ai les larmes aux yeux..j'en ai eu des frissons...
RépondreSupprimerOui Nadia... Mais toi et moi, on sait que tout ça finit bien ;-)
SupprimerBisous et merci de tes petits mots ;-)
Je sais très bien Sophie et heureusement ;-)...je me dis sur le moment ce n'est pas évident, on est loin d'imaginer tous ces obstacles...J'ai une ancienne collègue qui a abandonné la procédures car des gens y laissaient leurs économies (je ne connais pas le détail de ce qui s'était passé).
RépondreSupprimerLa procédure en France ne coûte rien, Nadia.
SupprimerC'est ensuite, dans les démarches vers les pays, qu'il peut parfois y avoir des frais (déplacements dans les pays, hébergement sur place, frais de dossiers, de traduction, de légalisation etc...). C'est vrai que certaines familles ne peuvent pas faire face à cela, et c'est bien dommage... :-(
:-)))
RépondreSupprimermême âge même combat ...
moi la seule OAA que j'ai eu au téléphone, une dame sympa, m'a donné le site yahoo adoption solo et c'est comme ça que l'aventure a vraiment commencé...
tu as eu de la chance de tomber sur une personne sympa.;-)
SupprimerMoi, la première, elle était odieuse ! Mais heureusement que certains sont compréhensifs.
C'est honteux de traiter les gens ainsi... En lisant, j'ai juste envie de prendre ma fameuse poêle et leur coller à travers la tronche. Heureusement que vous avez rencontré cette Mme MARVEL...
RépondreSupprimerhihihihi ! Oui, Chou ! J'aurais aimé avoir ta poêle dans certaines situations...
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