Le quartier autour de l'aéroport Toussaint Louverture n'étant pas sûr (c'est un euphémisme), et encore moins la nuit, personne à l'orphelinat ne veut s'y risquer après 18 heures.
Evidemment, ça me questionne un tout petit peu, et comme j'ai la mauvaise manie de me renseigner sur tout, j'ai découvert au fil de mes lectures que l'aéroport est à quelques encablures de Cité Soleil...
Cité Soleil, un nom superbe pour désigner le bidonville le plus
pauvre et le plus dangereux de la planète. Là où vivent plus de
250 000 haïtiens dans la misère la plus totale ; où ceux qui
ont la chance de « travailler » gagnent moins de deux
dollars par jour ; où il n'y a ni électricité, ni commerces,
ni accès aux soins, ni école ; où le viol, l'attentat, le
kidnapping, le pillage forment le quotidien des habitants ; où
les gangs organisés dominent tout, jusqu'aux points de contrôles
armés qu'il est nécessaire de passer pour entrer et sortir du
bidonville.
Cité
Soleil que la Croix-Rouge appelle « le microcosme de tous les
maux de la société haïtienne »...
Face à
cette misère, ma situation et ma peur paraissent inappropriées.
Mais voilà. C'est ainsi. J'ai la chance immense d'être née du bon
côté. Cela dit, ça ne m'empêche pas d'avoir peur : D'autant
que j'ai lu sur les forums de nombreux témoignages d'adoptants qui
ont vécu des arrivées dramatiques. A lire les expériences des uns
et des autres, l'aéroport de Toussaint Louverture a une réputation
singulièrement inquiétante.
La
présence des Casques Bleus de la MINUSTAH (Mission
des Nations unies pour la stabilisation en Haïti) limite les
incidents graves, mais on sort tout juste, au mois de juillet
précédent, d'un affrontement entre des gangs de Cité Soleil et les
Casques Bleus, et la situation est assez instable.
D'ailleurs, le Ministère des Affaires Etrangères qui déconseillait fortement le voyage en Haïti quelques semaines auparavant, nous incite maintenant à être très prudents, à arriver dans la journée, à voyager plutôt léger, à être accueilli à l'aéroport...
Donc nous, on arrive à 18h45 (la nuit tombe entre 18h59 et 19h00), on a trois tonnes de malles, et on a personne pour nous accueillir.
Tout faux.
Mais on se raccroche à l'idée qu'un chauffeur d'un hôtel proche de l'aéroport, le Visa Lodge, qu'on a réservé pour passer la nuit, nous attendra... peut-être (ça leur est déjà arrivé d'oublier des adoptants).
A ce propos, réserver au Visa Lodge a été une épreuve, aussi (parmi la centaine d'autres qui a précédé notre départ). La réservation s'est faite par mail, mais il fallait confirmer par téléphone. Vous avez déjà essayé d'appeler Haïti, vous ? Essayez, ça vous permettra de relativiser les répondeurs des sites commerciaux ou administratifs qui vous demandent d'appuyer sur 1, puis sur 7 puis de faire « étoile » puis de refaire 1, puis non-rappelez-c'est-occupé.
Au bout de plusieurs heures d'essais (en plus, c'était le même jour que mon deuxième aller-retour à l'agence d'Air France, j'étais assez fraîche, psychologiquement), je finis par tomber sur un monsieur qui parle anglole. Ou Créoglais. Agrémenté de crépitements et de quelques interstices où je m'entends en écho.
Je lui hurle dans le cornet que je confirme la réservation, et qu'il faut absolument qu'il soit à l'arrivée de notre avion pour nous accueillir (parce que j'ai peur, ouh la la !).
Il me crachotte que Yes the chauffeur will be at le aéroport pour vous pick up.
Par sécurité, je charge ma mère (la pauvre) de rappeler le Visa Lodge quelques heures avant notre arrivée pour leur remémorer l'heure précise de notre arrivée et leur re-re-re-refaire confirmer qu'ils seront bien à la sortie de l'aéroport pour nous pick up sans faute.
D'ailleurs, le Ministère des Affaires Etrangères qui déconseillait fortement le voyage en Haïti quelques semaines auparavant, nous incite maintenant à être très prudents, à arriver dans la journée, à voyager plutôt léger, à être accueilli à l'aéroport...
Donc nous, on arrive à 18h45 (la nuit tombe entre 18h59 et 19h00), on a trois tonnes de malles, et on a personne pour nous accueillir.
Tout faux.
Mais on se raccroche à l'idée qu'un chauffeur d'un hôtel proche de l'aéroport, le Visa Lodge, qu'on a réservé pour passer la nuit, nous attendra... peut-être (ça leur est déjà arrivé d'oublier des adoptants).
A ce propos, réserver au Visa Lodge a été une épreuve, aussi (parmi la centaine d'autres qui a précédé notre départ). La réservation s'est faite par mail, mais il fallait confirmer par téléphone. Vous avez déjà essayé d'appeler Haïti, vous ? Essayez, ça vous permettra de relativiser les répondeurs des sites commerciaux ou administratifs qui vous demandent d'appuyer sur 1, puis sur 7 puis de faire « étoile » puis de refaire 1, puis non-rappelez-c'est-occupé.
Au bout de plusieurs heures d'essais (en plus, c'était le même jour que mon deuxième aller-retour à l'agence d'Air France, j'étais assez fraîche, psychologiquement), je finis par tomber sur un monsieur qui parle anglole. Ou Créoglais. Agrémenté de crépitements et de quelques interstices où je m'entends en écho.
Je lui hurle dans le cornet que je confirme la réservation, et qu'il faut absolument qu'il soit à l'arrivée de notre avion pour nous accueillir (parce que j'ai peur, ouh la la !).
Il me crachotte que Yes the chauffeur will be at le aéroport pour vous pick up.
Par sécurité, je charge ma mère (la pauvre) de rappeler le Visa Lodge quelques heures avant notre arrivée pour leur remémorer l'heure précise de notre arrivée et leur re-re-re-refaire confirmer qu'ils seront bien à la sortie de l'aéroport pour nous pick up sans faute.
En attendant, nous volons au-dessus de l'Atlantique, direction notre première escale à Pointe-à-Pitre. Moi, je ne me dessangle pas, on ne sait jamais. Et dès que j'entends le ding-dong annonciateur de catastrophe (un trou d'air, par exemple), je me raidis sur mon siège.
Pourtant, que la vue est belle de mon hublot ! Le soleil se reflète sur l'eau dont on perçoit les vaguelettes, même de si haut. De loin en loin, l'océan est parsemé de ravissantes petites îles qui donnent à rêver. On survole un bateau qui laisse derrière lui un sillon d'écume.
La beauté me détend : J'ai peur en avion, mais j'admets que c'est magique, de voler et de voir la terre de haut.
Je parle tout bas à mon album photo, je le préviens que nous arrivons, mais qu'en attendant, je n'en mène pas large, même si je sens que mon cœur bat de bonheur et non de peur.
Peu de temps après notre décollage, on nous assène un film violent et nul, Mr. And Mrs. Smith. Bon, il y a Brad Pitt, ça me console un peu, même si j'aurais préféré un Georges Lucas ou un Woody Allen (oui, je sais, j'ai des goûts éclectiques).
L'arrivée à Pointe à Pitre me laisse un avant-goût de ce qui nous attend : Une chaleur de dingue. Le paysage est splendide, même si depuis la zone de transit, nous ne voyons pas grand'chose. Julien peste, parce qu'il n'y a aucun endroit pour fumer (moi, je m'en moque, j'ai arrêté il y a cinq ans !) . Il finit par trouver une ruse, en suivant d'autres personnes qui ont un paquet de clopes en main et qui semblent habituées. Un petit espace planqué derrière les toilettes regroupe un nombre impressionnant de fumeurs. Julien se demande même comment ils peuvent passer inaperçus avec la masse de fumée qu'ils dégagent.
Et puis, quelques minutes avant d'embarquer, le ciel s'obscurcit, la chaleur se fait plus lourde, des gouttes grosses comme des assiettes s'écrasent sur les baies vitrées de la salle de transit : Un orage comme rarement j'ai vu déchaîne ses grondements devant mes yeux mortifiés !
On ne va pas décoller avec un truc pareil tout de même ?
Mais sans paraître le moins du monde perturbé par ce qui me semble être le plus gros cyclone de tous les temps, une hôtesse inconsciente nous invite à rallier la porte d'embarquement.
Ils sont fous !
J'attrape ma boîte de Lexomil et m'en envoie un quart.
Et puis quand, dans l'Airbus, le commandant de bord nous annonce d'une voix posée que tout va bien et qu'on va décoller incessamment, je me reprends un autre quart de Lexomil et m'endort illico.
Sans même avoir le temps de dire adieu à Julien.
même pas un p'tit coup d’œil pour vérifier qu'il était bien assis à côté de toi? sais-t-on jamais, il aurait pu se perdre dans le brouillard de clope ;-)
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