Je
passe beaucoup de temps à décortiquer les photos que
nous recevons. J'aimerais avoir une vision 3D, car ma fille, je la
découvre en plat-plat, et si je constate un truc qui m'inquiète, je
ne peux pas la retourner dans tous les sens pour vérifier.
Il
faut savoir qu'en dehors des updates envoyés par Dixie, où les
enfants sont toujours sur leur trente et un, nous recevons des photos
d'adoptants plus en avance que nous dans la procédure et qui partent
en Haïti chercher leur enfant. Ils mitraillent alors les petits des
autres pour rapporter le plus d'images possible et là, pour le coup,
on les découvre au naturel, sans mise en scène, sans tissu, sans
gadgets, sans ro-robe et sans coue-couettes...
C'est génial.
Mais
angoissant, aussi.
Je m'explique : Un jour, alors qu'elle vient d'avoir huit mois, des amis m'envoient une série de photos de ma fille. Photographiée dans le dortoir de l'orphelinat, parmi les autres enfants (combien peuvent-ils être dans cet immense dortoir ? Trente ? Cinquante ?), elle porte un body rayé rouge, trop grand pour elle, plein de taches. Ses cheveux ne sont pas coiffés. Elle ne pose pas. Elle regarde les autres jouer.
Sur
l'une d'elle, elle avance sa main fermée vers l'objectif, comme pour
attraper quelque chose ou quelqu'un au travers de l'appareil
photo.
Bêtement, je me dis que c'est à moi qu'elle s'adresse ainsi, ou bien qu'elle me voit, comme je la vois. C'est irraisonné, je sais, mais les circonstances font que je m'arrange souvent avec la réalité pour donner plus d'humanité à une situation qui n'en a pas beaucoup.
Bêtement, je me dis que c'est à moi qu'elle s'adresse ainsi, ou bien qu'elle me voit, comme je la vois. C'est irraisonné, je sais, mais les circonstances font que je m'arrange souvent avec la réalité pour donner plus d'humanité à une situation qui n'en a pas beaucoup.
Bientôt, c'est en vrai qu'elle tendra ses bras vers Julien ou vers moi. J'ai besoin de me projeter dans son futur pour ne pas pleurer sur son présent. Qui n'est pas malheureux – le personnel de l'orphelinat est très bien – mais... cela reste un orphelinat.
A ce propos, je découvre sur les photos et par les témoignages la nourrice attitrée de Flore : Mitha.
Oh ! bien sûr, elle la partage avec une quinzaine d'autres enfants, mais Mitha aime Flore. On me l'a dit, et ça se voit sur les photos.
Et pour moi, c'est fondamental.
Parce qu'aimer, ça s'apprend, ça se construit. Pour que mon enfant puisse m'aimer plus tard, il faut qu'il ait appris à aimer quand il était nourrisson. Et pour nos enfants adoptés, qui sont d'abord des enfants abandonnés, c'est tout le problème. Un enfant qui a déjà été aimé, précocement aimé, est plus capable de s'attacher à une nouvelle famille qu'un enfant qui ne l'a jamais été. Croire qu'un enfant en manque d'amour est un enfant en demande d'amour est un leurre. En effet, pour cet enfant-là, qui a fait ses premiers pas dans la vie en totale insécurité affective, s'attacher sera courir le risque de revivre la souffrance initiale lorsqu'il aura à subir une nouvelle séparation, aussi minime soit elle.
Chaque enfant adopté a vécu un séisme affectif. Je ne porte aucun jugement sur ce qui a mené les parents biologiques à laisser leur enfant, mais leur acte peut lui avoir appris à se méfier de toute figure d'attachement, l'incitant à se protéger de cette souffrance en ne s'investissant pas dans une nouvelle relation.
Alors je suis mille fois reconnaissante à la mère de substitut qu'a été Mitha, qui par son attitude et son regard sécures et bienveillants d'adulte aimant a reconstruit la confiance de ma fille, lui permettant d'apprendre à nouveau à tisser des liens.
Mais revenons-en à un sujet plus léger : les photos. L'une d'elle me surprend plus que les autres.
Prise de trois-quart, le front de ma fille me paraît... comment dire... démesurément grand et bombé. Son implantation de cheveux commence loin en arrière du dessus de la tête. (oui, je sais, mon explication n'est pas très claire, mais je n'arrive pas à faire mieux).Entre nous, ça fait limite hydrocéphale, et ça m'obnubile. Je me dis qu'on m'a caché quelque chose sur sa santé.
Ou que Flore a naturellement une tête de calebasse.
J'en parle à Julien, qui bien sûr n'avait rien remarqué d'un premier abord.
- C'est rien, c'est rien, me dit-il se voulant rassurant.
Mais je vois bien qu'il commence à zieuter un peu souvent la photo...
Et puis le lendemain soir, il rentre du travail, tout fier (et rassuré surtout) de m'annoncer que la femme d'un de ses collègues, d'origine guadeloupéenne, lui a expliqué que c'était tout à fait habituel : les cheveux de notre fille vont pousser d'abord vers l'avant pour gagner leur implantation normale.
Ouf !
Parce que oui, ça fait vraiment bizarre : dégarnie sur la moitié antérieure du crâne, frisottis en forme de petits dreadlocks sur l'arrière, notre fille me fait penser à un hybride de Yul Brynner et Bob Marley.
Ce qui n'est pas forcément joli-joli...
Nooooon Yul Brynner et Bob! Pauvre puce, tu veux la traumatiser à vie!!!! Sais pas mais Diana Ross, Lauryn Hill... mais pas eux! MDR
RépondreSupprimerBen si, justement... C'était bien ça le problème ;-)
Supprimerje te rejoins completement sur "l'entrainement a l'amour". ma fille avait été aimée avant de me rencontrer, et ca c'est vu, je l'ai bien senti, j'ai bien vu la difference avec certains de ses petits copains.Et j'en suis eternellement reconnaissante a/aux personne(s) qui l'ont aimée avant moi, et qui nous ont aidé à nous adopter. C'est inestimable.
RépondreSupprimerquestion frisettes es-tu déjà avec nous ici : https://fr.groups.yahoo.com/neo/groups/lespetitesbouclettes/info ?
RépondreSupprimeren tout cas toujours aussi beau récit, vivement la suite !
J'y étais il y a quelques temps, mais me suis désinscrite de tous les forums car j'avais besoin de temps (chronophage, les forums...).
SupprimerJe comptais me réinscrire, justement.
D'autant que je suis à la recherche de mèches pour mes filles, et je ne sais trop lesquelles choisir.
Merci pour ton commentaire, au fait ;-)