29 - Le GROS dossier

En parcourant le forum d'adoptants, je note deux nouvelles crèches (crèche, c'est le nom qu'en Haïti on donne aux orphelinats) qui semblent sérieuses. Celle de Gina, et celle de Dixie.

Du coup, je fais deux dossiers supplémentaires (je ne suis plus à ça près, hein ?)
J'oscille entre le désir que tout aille vite, et le fait que toute décision, à partir de maintenant, est déterminante, et ne doit pas être prise à la légère. C'est super compliqué. Dans ma tête, dans celle de Julien.

Nous décidons de faire partir les dossiers par une société de livraison expresse internationale (à trois initiales) : Quatre jours au lieu d'un mois. C'est bien. Mais ça coûte un bras, aussi.

Seule l'une d'elle me répond : Dixie.
Son mail me semble sérieux, la présentation de l'orphelinat est rassurante, sa démarche claire.
Tout nous paraît très bien. Mais sans excès suspect non plus.
Julien et moi, on le sent bien. Même, on s'emballe un peu.
Sauf que, je ne sais pas pourquoi, dans ma réponse à son premier mail, je l'appelle... Gina !
Au moment où je m'en aperçois, je suis mortifiée. Pourquoi je l'appelle Gina, moi ? C'est le truc vraiment vexant. Et si elles ne s'appréciaient pas, toutes les deux ?
La nuit même, je me tape une monumentale insomnie. Et tandis que Julien ronfle, inconscient du drame qui s'abat sur nous, je ressasse en boucle la certitude que jamais Dixie n'acceptera des hurluberlus en proie à une telle confusion mentale.

Bon. Au final, Dixie n'a même pas l'air de s'en apercevoir, et je peux tranquillement trouver d'autres raisons de ne pas dormir la nuit.
Elle nous confirme que nous pouvons envoyer le « gros » dossier (Ben oui, rappelle-toi : ce que nous avions envoyé la première fois, c'était le pré-dossier).

C'est reparti, et nous mettons un soin particulier à le faire. C'est lui qui va voyager d'administrations en palais de justice, de parquets en services sociaux et de tribunaux en consulats, conjointement à celui de notre... enfant. OUIIII !

Celui-là, je ne te dis pas combien de fois je l'embrasse avant de le confier à LHD (nom de société de livraison internationale inventé pour ne pas faire de pub).
Bien évidemment, comme rien ne peut se passer normalement chez nous, alors que je consulte l'acheminement de notre courrier sur le site de LHD pour la trois-centième fois depuis quatre jours, je reçois au matin du cinquième un mail me disant que le dossier est bien arrivé en Haïti, oui, mais qu'il n'y a pas d'orphelinat à l'adresse que j'ai indiquée.

Tension artérielle : 19.
Qui donne raison au médecin de l'épisode 6.
Balayant l'envie furieuse de prendre mon pouls pour voir si je ne fais pas un AVC réactionnel, je re-vérifie toutes mes données, renvoie un mail à LHD pour leur dire que je n'ai rien d'autre que cette adresse-là : Une adresse assez détaillée pourtant, à Pétionville, dans les hauteurs de Port-au-Prince. Et qu'ils cherchent un peu, nom d'un chien !

L'orphelinat ne s'est tout de même pas envolé.

T.A. : 25.

Je reste figée devant une carte de Port-au-Prince, à scruter les routes vers Pétionville, comme si, à force de concentration, je pouvais aider le coursier à trouver son chemin.
Mince ! Pour le prix qu'on paie LHD, ils pourraient doter leurs coursiers d'un GPS !

Pour finir, trois interminables heures et quelques palpitations plus tard, je reçois un mail de Dixie, m'annonçant qui ça y est, notre GROS dossier est entre ses mains.
Ouf !

T.A. : 13.