25 - Vivent les mariés !

Un petit retour en arrière (flashback, en anglais) :

Si l'on veut adopter en couple, il est obligatoire, aux yeux de la loi française, d'être mariés.
Julien et moi vivions dans le pêché depuis quelques années, déjà.
Dès après l'excellente vidéo-conférence dans le préfa à néons, nous l'avions découvert dans la pile de documents fournis, parmi les obligations légales liées à l'adoption.
Qu'à cela ne tienne, même si je n'étais pas forcément décidée à me marier – Julien non plus d'ailleurs - il fallait bien le faire.

J'ai constaté que, quand t'es pas mariée, tu n'échappes pas aux réflexions plaisantes. Je les compile avec délice (c'est mieux qu'avec aigreur)(et tu verras par la suite : j'en ai un florilège) : Je notais donc la jouissance de certaines femmes à m'appeler « mademoiselle ».

Tu as passé 35 ans, tu n'es pas mariée, tu n'as pas d'enfants : tu es sus-pecte ! Pour bien te le montrer, certaines n'hésitent pas. Elles te demandent d'un air mielleux, leur œil entraîné guettant ton blémissement :

- Et vous, mademoiselle N, vous n'avez pas d'enfants ? (Hu ! Hu ! Hu !)
Et là, toi, malgré ton humour et ton caractère bien trempé, tu n'as pas de réponses, parce que c'est ton point faible, ta douleur, ton talon d'Achille !

Et ça, bien sûr, elles le savent, les pestes !
C'est étonnant cette propension qu'ont certains êtres humains à aimer humilier les autres. Je me suis toujours demandé ce que ça leur apporte.
J'en ai connu une – mon âge, mariée, quatre gosses (tout pour être heureuse?) - qui me le demandait à chaque fois qu'on se croisait. Ben oui, en quinze jours, j'avais convolé et mis au monde des triplés.

Bref, on s'est lancé.
Et, peut-être pour couper la chique aux chieuses, on n'a pas mégoté !

On s'est marié deux fois !
Et en grandes pompes !

A l'origine, Julien et moi, on envisageait un bon petit mariage vite fait, intime, devant le maire, avec parents, frères, sœurs, témoins. Puis un casse-croûte un peu élaboré et gentiment arrosé à la maison.

Mais ça ne s'est pas passé comme on l'avait prévu :
Premier mariage, civil, en mars, en petit comité. MAIS dans une abbaye renommée de la région (la même que celle où se mariera, quelques années plus tard, un petit monsieur qui n'a qu'un bras : c'est pour te dire la classe).
Deuxième mariage, religieux, en juin, un peu plus conséquent : Cent dix invités au dîner...

Et vaguement plus au vin d'honneur.
Intime, quoi.

Un mariage, c'est toujours plein de ratés, d'anecdotes et de fous-rires.
C'est ce qui fait son charme, non ?

Une petite liste (j'adore les listes), avec du vrac :

- Pour le mariage civil, assise devant l'adjoint qui nous mariait, mes pieds retournés sous la chaise, les invités avaient vue sur les étiquettes que j'avais oublié d'enlever sous mes chaussures neuves (qui me faisaient un mal de chien...)

- lors du mariage religieux, dans l'église, mes enfants d'honneur était ma classe entière (je ne t'ai pas dit que j'étais institutrice ?)... Et, en entrant dans l'église, ça papotait dans mon dos au moins autant que dans ma classe quand on fait des arts plastiques.
- Mais c'était super, parce que l'une de mes élèves*, a dit un poème qu'ils avaient créé.

- Des copains ont envahi l'autel pour nous chanter « Oh ! Happy days » ! C'était génial ! Cacophonique, mais génial !*

- Je me suis énervée sur la main de Julien, à tenter de lui enfiler son alliance qui ne passait pas. Après avoir forcé comme une brute, dans un silence de mort, tout le monde dans l'église tendu, se demandant si on allait y arriver, l'anneau est passé aux forceps.
Ce n'est qu'au sortir de l'église, en prenant la main gauche de mon mari pour les photos, que je me suis rendue compte qu'il n'avait pas son alliance... Et pour cause, c'est à la main droite que je l'avais enfilée.

- N'ayant pas envie de ressembler à une meringue, j'avais opté pour une robe beige sobre faite exprès pour moi par une amie couturière. Doublée, faite dans un tissu épais pour une meilleure tenue, ma robe était un peu lourde, et m'a tenu sacrément chaud en ce mois de juin. Et je ne te parle pas des collants. Moi qui suis la reine de la rétention d'eau, j'ai été gâtée, ce jour-là. Quand j'y pense, j'aurais dû mettre des bas de contention.

- La preuve : Je me suis octroyé une heure, entre le vin d'honneur et le repas, pour baigner mes pieds énormes dans mon pédiluve Scholl à bouillons*,

- Je me suis explosé un sein en montant à l'arrière de la Cadillac d'un ami* (ça a beau être grand à l'extérieur, à l'intérieur, faut te faufiler) et j'ai eu un énorme bleu pendant quinze jours (Non, non, j'te jure, ce n'est pas la nuit de noces),

- Julien et moi, on a voulu couper la pièce montée ensemble : ça a écrabouillé tout un tas de choux et donné à la pièce un petit air de Pise,

- Pour danser, j'avais tellement mal aux pieds que j'ai mis des vieilles sandalettes écrase-m... Comme un fait exprès, c'est ce moment qu'ont choisi les gens pour faire tout plein de photos. Constat navrant : ça te tasse un peu la mémère dans sa robe de mariée, ce genre de souliers.

- On avait tout prévu. Tout. Sauf les cornichons. Je me suis eclipsée au beau milieu de la noce pour aller en chercher à la maison. J'en ai profité pour m'allonger un instant, mes (grosses) pattes en l'air, pour le retour veineux.
En croquant quelques cornichons.

Au final, se marier, c'est drôlement chouette.

* Merci à Pauline, à Roddy (qui, lui, chantait parfaitement, puisque c'est son métier), à Corinne et à François.