1 janv. 2014

11 - Le ballet du bonobo


Nous nous étions conditionnés et préparés à tout.

Sauf à ça.


Nous voilà assis, Julien et moi côte à côte. Je note que Julien a légèrement éloigné son fauteuil (et donc ses jambes) du mien. Je comprends le message.
Le spécialiste, lui, s'installe de l'autre côté de son bureau, toujours secoué de son balancement et son rire bonobiens.
C'est déstabilisant, et je croise les doigts en espérant réussir à garder mon calme. Mais c'est sans compter sur la suite, car commence alors, avec l'entretien, un étonnant ballet.

Comment dire. Allons au plus simple : Dans un premier temps, tout en parlant, le psychiatre se vautre sur son bureau, les bras en croix, le menton posé sur son (notre) dossier. Puis il se laisse glisser dans son fauteuil, avachi, et se coule progressivement derrière puis sous son bureau où il disparait presque. Puis, avant de disparaître totalement, il se redresse vivement pour réapparaître soudain.

Oui, nous aussi, on n'a pas compris.

D'autant que le rituel s'est répété sans cesser pendant toute l'heure. En boucle. « je me vautre - je m’avachis - je disparais – je réapparais », « je me vautre - je m’avachis - je disparais – je réapparais ».

Tranquille. Comme si c'était normal.


Quand il est à deux doigts de disparaître sous son bureau, le bas du visage caché par la table, alors que seuls ses yeux dépassent, son front et sa touffe de cheveux sont animés de tremblements tandis qu'il parle. On perçoit quelques borborygmes, qu'on a un peu de mal à comprendre, mais ce n'est pas la préoccupation principale.

La préoccupation principale, c'est de ne pas rire !

Je ne regarde pas Julien, qui ne me regarde pas. Nous mettons nos consignes en pratique, non sans un certain étonnement, et nous faisons tout pour ne pas laisser paraître que nous avons conscience que son comportement est à la limite du normal !
Nous restons concentrés sur notre objectif.
 

Sincèrement, ce n'est pas facile.




3 commentaires:

  1. Allez, allez, la suite !
    C'était y a longtemps tout ça ?

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    1. ;-)
      Oui, Juliette, ma fille aînée, celle qui va arriver d'Haïti suite à tout le battage dont vous allez être témoin sur ces pages, est avec nous depuis 9 ans !

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