31 déc. 2013

10 - Les inadaptés


Nous arrivons un mercredi matin devant un centre médical à 30 bornes de chez nous, assez bizarrement conçu, des baies vitrées un peu partout, tellement partout que nous ne trouvons pas la porte.

- ça commence ! me dit Julien, de méchante humeur.

Derrière, un curieux animal hilare aux poils de la tête en pétard se démène et nous fait des grands signes cabalistiques : c’est le psychiatre.

Il nous montre la porte en se marrant.

- ça y est, il nous a catalogués comme inadaptés ! me dit encore Julien. Viens, on s’en va !

- Mais non, ne sois pas si négatif. Allez, courage! Et puis, c'est plutôt sympa de nous accueillir comme ça.
- En gesticulant comme un singe ?
Il n'a pas tort.

Julien finit par trouver la porte en tâtonnant. Nous forçant à sourire, nous entrons.

- Venez, venez ! Entrez, c’est par là, suivez-moi, nous répète le drôle de bestiau qui sautille en riant devant nous. Il me fait penser à un singe, dans son allure, ses gestes : longs bras ballants, démarche simiesque, dandinement des épaules, et jusqu’à son rire qui ressemble à un cri de bonobo ! Je me reprends vite ! Ces animaux-là, ça te lit dans les pensées en un rien de temps, faut pas que je me trahisse, et surtout que je perde de vue mon objectif : avoir mon diplôme de future mère modèle.

Bien sûr, dans la voiture, nous nous étions encore disputés, avant de parvenir à mettre au point une stratégie. J'avais lancé les hostilités.

- Bon, écoute, Julien, c'est important, devant le psy, il faut absolument qu'on s’écoute parler l’un l’autre.
- Ouais, dans un grand élan de respect mutuel. Ça va nous changer!
- Ben oui, et puis, on essaie de ne pas dire de grosses bêtises comme l'autre fois.
Il me lance un œil mauvais. La riposte est immédiate :
- Ah et puis, je pense à une chose, « on » évite, si jamais par inadvertance je dis une petite bêtise, de donner à l’autre des coups de pieds sous la table !
- Oui, mais alors fais attention à ce que tu dis.
- Ne commence pas à me mettre la pression. C'est fou, on ne peut pas parler sans que tu dises que je fais toujours tout mal.

- Arrête ta parano, je n'ai pas dit ça; je dis juste de faire attention à ce qu'  « on » dit, surtout à un psy ! Et tant qu'on y est, faut faire attention aux blancs : on ne comble pas à tout prix les vides laissés par le psy, parce que c’est là qu’on dit n'importe quoi.

Julien marmonne qu'il n'y a pas que lui qui dit des bêtises pendant les blancs, ce sur quoi il n'a pas tout à fait tort, mais je me garde bien de l'admettre devant lui...







(à suivre : le ballet du bonobo)

2 commentaires:

  1. J'adore !! vite la suite.... on s'y retrouve tellement...

    A maman d'A d'Haïti et en attente de N°2

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci ! Ravie que cela vous plaise ! Et bon courage pour l'attente du deuxième ! ;-)

      Supprimer

un p'tit commentaire ?