30 déc. 2013

3 - La P.M.A.


Les FIV tournent mal, je frise la dépression. Le gynécologue est plus obnubilé par le taux de réussite de sa clinique que par mon taux d'œstrogènes. Taux défaillant, à cause de mon grand âge (38 ans). 

Rongée par les échecs, je culpabilise à mort par rapport à Julien, et aussi par rapport au médecin, parce que nous sommes des mauvais élèves : rien, d'après les échographies, la cœlioscopie, l'hystérographie, l'hystéroscopie, le spermogramme et les multiples recherches sanguines ne laissent prévoir que nous ne pouvons avoir d'enfants.
Et pourtant, c'est comme ça, on n'y arrive pas. 

Ça a l'air d'agacer le médecin hautement spécialisé dans la procréation médicalement assistée.
Notre médecin est un homme très élégant, condescendant et affable, chef incontesté d'une clinique dorée, à 80 euros les 10 minutes de consultation.
Il a toujours au minimum trois heures de retard.

Ton avenir de mère est entre ses mains. C'est LE tout-puissant.

Comme je ne réponds pas bien aux traitements, il charge la mule de plus en plus, me prescrivant des doses massives de gonadotrophine. Rien que le nom, ça te donne pas du tout envie de savoir ce que contient la seringue. Moi qui mange bio et me suis toujours méfiée du veau aux hormones, je suis servie, question hormone.

Tout ça me donne des nausées, des vertiges... et je commence à collectionner les kilos.

- Mais enfin, Mâdâââme, vous devriez faire attention à votre poids, les cellules grasses retiennent les œstrogènes! Ça ne me facilite pas la tâche! »
C'est vrai que moi, ça m'amuse de prendre du poids... 

L'autre souci, avec les doses massives d'hormones, c'est que chez moi, ça déclenche mes ovulations plus tôt que ce que ses études de médecine lui ont appris. J'ai essayé de le lui expliquer, mais à mon avis, cet homme là n'a pas dû se rendre compte que, derrière mon ventre, il y a un être humain doué d'intelligence, de sens de l'observation, et de sensibilité.
« Docteur, il me semble, essayai-je une fois, d'une toute petite voix coupable, enfin, ce n'est pas la première fois que je constate que, si je suis stimulée, mon ovulation se déclenche plus tôt, vers le 9 ou 10ème jour, parfois. »
- Voyons, mâdâââme, me répond-il sans lever les yeux de mon dossier, comme s'il me grondait paternellement, basons-nous sur des informations réelles et scientifiques.
- Oui, ai-je l'outrecuidance d'insister, mais je vous assure que je la sens, ça tire à droite ou à gauche...
- huhuhu! A droite ou à gauche. Permettez-moi d'en douter. Ce sont vos intestins que vous sentez, Mâdâââme. Nous sommes une clinique spécialisée dans la procréation médicalement assistée, Mâdâââme. »

Les intestins. Tous les quatorzièmes jours du cycle depuis la puberté, j'ai les intestins qui défaillent...


Nous sommes en procédure de procréation médicalement assistée... Ce qu'ensuite, en initiés, nous appellerons la PMA, de l'air de ceux qui ont fait les blind-test - mais alors complètement blind ! Un terme poétique, comme tous les actes que cela implique, et qui réduit notre désir d'enfant à un assaut barbare de techniques de pointe dans nos organes soit-disant reproducteurs.
Toujours est-il que là, après avoir tenté les inséminations, les FIV, les IXSI sans succès - et les humiliations (avec succès) -, j'éprouve une sensation de victoire d'avoir tenu tête au Tout-puissant. Mon corps m'appartient, je le connais, je n'ai pas la technique, mais j'ai le ressenti, et l'instinct.

Alors, en  laissant au Tout-puissant le Nième chèque de 80 euros, je décide de ne pas me diriger vers le laboratoire et la salle d'échographie.

Je laisse tomber.

mesdames les cellules reproductrices

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