13 oct. 2014

Le voyage de Julien (fin)

Dans l'avion qui le ramène à Paris, Julien a les larmes aux yeux. Sa tête est remplie de cette petite bonne femme fragile et forte à la fois. Du haut de ses deux ans, elle a fait preuve d'une maturité exceptionnelle. Il rapporte avec lui le souvenir d'une enfant déterminée, attachante, pleine de vie et d'une gaieté hors du commun quand on connaît son histoire et ses conditions de vie.

A Paris, il fait froid. C'est bientôt Noël. Passer de 40° à -5°, ça fait un choc.

A la maison, je lui demande de raconter. Mais il est dans ses souvenirs et je me sens exclue. Je ne lui en veux pas, ça n'aurait pas de sens. Simplement, il a vécu quelque chose de tellement intense que je me sens dépossédée de ma part de maternité. Je regarde les photos, mais elles me semblent vides de sens. J'ai encore plus de mal à regarder les films : Voir Alexandra bouger, parler à son papa, rire aux éclats me rend à la fois heureuse et morose.
Je m'en veux d'être ainsi, mais je suis restée dans un présent qui n'est pas le leur. Pour Flore et moi, la vie a continué, alors que Julien et Alexandra ont vécu une merveilleuse parenthèse dans leur quotidien.

Mais Julien ne va pas très bien, et il traîne sa nostalgie et son regard se perd souvent dans le vague. Il me fait comprendre qu'il est quasiment inconcevable de vivre cette séparation. D'imaginer tout ce qu'Alexandra a eu dans la tête après qu'il est parti : Plus d'espoir, le matin, au réveil, plus de circuits, plus de câlins, plus de fous-rires, de jeux partagés. Plus d'amour.

Et dire que c'est pour l'intérêt supérieur de l'enfant !

Cela nous mine, Julien et moi, chacun pour des raisons différentes. Nous n'en parlons pas. D'ailleurs nous ne parlons plus beaucoup. Non pas que quelque-chose se soit cassé. Non. Mais à un moment donné, nos chemins se sont écartés, et nous avons du mal à nous retrouver.

Heureusement, Noël arrive, et l'enthousiasme de Flore nous permet de nous recentrer sur le moment présent. Ce n'est pas qu'on oublie ; c'est que le quotidien, ponctué des fêtes traditionnelles, des moments familiaux, enfoui dans la routine, a cette puissance salvatrice qui aide à reléguer au second plan les choses qui font souffrir.

Nous passons la fin de l'année heureux, malgré les petites arrières-pensées masquées, mais tout cela tend à se dissiper, le temps faisant bien son affaire.
Et quand vient janvier, nous disons adieu à l'année 2009 avec ses cahots et ses petites souffrances, et accueillons l'année 2010 avec espoir : Celui d'aller chercher très bientôt notre petite fille.



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