2 mai 2014

69 - Flore tarde à parler

A leur arrivée, certains enfants adoptés se conforment exactement à ce que leurs parents attendent d'eux. 
Au début, Flore faisait partie de ces enfants-là. Petite fille idéale (ce qui ne veut pas dire grand chose, j'en conviens), elle mangeait bien, dormait bien (et beaucoup, aussi), pleurait peu, souriait souvent... 
 Elle était ce qu'on appelle une enfant facile.
Et puis, elle ne disait jamais non. D'ailleurs, elle ne disait pas beaucoup d'autres choses non plus, mais cette absence de non m'a souvent interpellée.


Cela dit, assez rapidement, par bribe au début, sa vraie personnalité a pointé son nez, de même que les tests post-conformité : « Et si je crie, si je casse mes jouets, si je te repousse... est-ce que tu m'aimeras toujours ? »

Nous sommes donc passés de la période calme plat à des épisodes récurrents du style « Toutouyoutou » , ainsi que d'autres tout aussi délicieux que je vous relaterai avec grand plaisir prochainement.

En attendant, une chose me chagrine : Flore ne parle pas. Enfin... elle ne prononce que très peu de mots, et mal, déformés, ou tronqués.


Comme toute
instit', j'ai parfaitement intégré, lors de ma formation, les différents stades de développement de l'enfant, et que ma fille ne manifeste pas l'envie d'énoncer quelques mots intelligibles à deux ans passés ne me paraît pas rentrer dans les cases Piaget.



Mais ça ne veut pas dire qu'elle ne s'exprime pas. La preuve : Un jour que mon oncle et ma tante lui offrent un chat en peluche, après l'avoir regardé, retourné, senti, caressé et sauvagement embrassé, elle passe l'après-midi à miauler.
Si ça c'est pas de l'expression !



C'est vrai que pendant presque six mois, nous n'avons quasiment pas entendu le son de sa voix.
Sauf pour dire maman...
Bon.

Mais maintenant qu'on a passé quelques mois d'adaptation, je trouve qu'elle n'a pas progressé autant que le veut la norme.

Remarquez, quand je dis qu'elle ne parle pas, ce n'est pas tout à fait vrai. Elle parle à sa façon.
En fait, elle condense.


Par exemple, merci, c'est mi. S'il vous plaît, c'est plè.
Elle ne dit jamais bonjour (comme ça, elle passe pour une gosse mal élevée, et moi pour une mère laxiste), mais en revanche, elle aime beaucoup dire « au r'voir ». Et comme elle est très mélo-dramatique, surtout quand elle est frustrée, nous avons droit à des presque-phrases assorties de trémollos et de mine de circonstance :

(prenez une voix tremblotante pour lire ce qui suit)
Au r'voir ney = au revoir, le poney,
Au r'voir nège = au revoir, le manège,
Au r'voir ture = au revoir, l'exposition de peinture,

Au r'voir quette = au revoir la boulangerie (si, si ! Il y a un rapport : à la boulangerie, y'a des chouquettes)


Jusque là, c'est marrant.
Inquiétant, mais marrant.

Sauf quand les mots ne s'y prêtent pas.


Nous voilà comme toutes les semaines à la piscine.

Maintenant, Flore est une habituée des bébés nageurs. D'ailleurs, elle adore, à tel point que quand on passe en voiture non loin de la piscine, ou si on en parle à la maison, elle s'énerve, se secoue, fait mine de plonger (sur le plancher). Le délire !

C'est bien là le problème !
Un jour que nous sortons de l'heure des bébés nageurs, Flore a la mine renfrognée des bons jours, puisqu'elle serait bien restée dans l'eau toute la journée.
J'ai beau lui expliquer que toute bonne chose a une fin, elle ne semble pas convaincue, et je la vois commencer à faire sa bouche carrée.
Je presse le pas, et sur le parking où tous les parents discutent, elle se met à brailler en sanglotant :
- Au r'voir, pine !
Mon dieu !
Tout le monde se tourne vers nous, l'air suspect.
- AU R'VOIR PINE ! (un ton au-dessus)
- Oui - Hu ! Hu ! Hu ! - Elle adore la PISCINE, cette petite ! Ah, c'est bien la PISCINE, braille-je à mon tour !
Mais c'est qu'elle a de la voix, la bourrique (rappelez-vous les toutouyoutou) et elle rempile de plus belle tandis que je m'esclaffe d'un rire de Castafiore pour couvrir le massacre.

Dans la voiture, alors qu'elle se lamente encore, je mets la radio à fond et démarre en trombe, mortifiée à l'idée de faire passer les parents adoptants pour des pervers-pépères.

L'après-midi même, j'engage une sévère leçon avec ma fille : apprendre à dire TOUTES les syllabes des mots, et notamment ceux qui se terminent par « pine », « noeud », « foufoune » et autre « zizi ».



Piaget en pensera ce qu'il voudra, je préférais quand elle ne parlait pas !

3 commentaires:

  1. Ca me fait rire et j'imagine la scène... Lol ! C'est pas bien de se moquer parce qu'en fait ça m'arrivera à moi aussi un jour et très certainement dans peu de temps ^^

    Allez courage, encore un peu d'entrainement et Flore sera au point coté prononciation du mot "piscine" ;)

    Bises et bon weekend.

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  2. Quelle âge à ta puce? La mienne a deux langues (moi je lui parle espagnol et mon mari francais), du coup pour le moment elle mélange les deux langues :-) Bisous. Bee

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    1. Bonsoir Bee ! Aujourd'hui, ma fille a 10 ans. Ce sont mes souvenirs que je raconte ! A l'époque, elle avait environ deux ans et demi. Elle a vécu ses 16 premiers mois à n'entendre parler que Créole et anglais.
      Elle s'est mise à parler couramment français après son entrée en petite section. Avant, elle n'en éprouvait sûrement pas le besoin ;-)

      C'est super d'avoir une enfant bilingue ! Il faut qu'elle continue. Quel âge a ta fille ?
      Bises

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