24 avr. 2014

65 - Une mère modèle

Moi qui ai toujours été organisée comme une savate et ai une vision très approximative de l'heure, je me retrouve sans y penser à respecter les horaires qui touchent Flore : je cadre son emploi du temps, et elle mange et dort à heure fixe, ce qui m'aurait paru infaisable quelque semaines plus tôt.

Sorti de ça, pour le reste, je garde mes bonnes vieilles habitudes de bohème (pour ne pas dire bordélique, mais ça revient au même).
Ce qui fait qu'au début, je me retrouve à patauger dans un quotidien liberticide.

Il faut donc que je m'organise.
Alors je me lance un défi : celui de devenir une mère modèle.


Ca commence dès le matin :
Je réveille ma fille en douceur en lui mettant une musique qu'elle aime et lui propose son petit déjeuner que j'ai déjà mis une demi-heure à préparer. Bien sûr, pour ne pas la laisser seule, parce que la convivialité c'est important, je petit-déjeune avec elle (alors que je crève la dalle depuis une heure !).
Puis, nous faisons un petit jeu ensemble, puzzle, gommettes, loto (alors que je n'ai qu'une envie, c'est de retourner dans mon lit avec un café et un bon bouquin !), puis, pendant qu'elle a la chance, elle, d'aller jouer dans sa chambre, je lave la vaisselle, l'essuie, la range, lave la table, ramasse les innombrables miettes par terre, voire un peu partout dans la pièce, récure le siège-bébé des coulures de bouillie qui se sont faufilées dans les interstices, et commence à préparer le repas de midi, parce que, tout de même, je suis en congé, alors je fais des légumes du marché ou du potager de mon papa, dont le temps à retirer la terre est très légèrement supérieur à celui d'ouvrir une boîte de conserve.

Bref, je prépare tout ça, puis je vais, le plus diplomatiquement possible, déranger Flore qui regarde attentivement un livre (elle a de la chance : moi, c'est pas près de m'arriver à nouveau), lui apprendre à s'habiller. Au passage, moi, je suis toujours dans mon espèce de tee-shirt-chemise de nuit immonde qui pendouille sur mes pattes poilues que je n'ai pas encore trouvé le temps d'épiler, aussi sexy qu'une courgette.

J'installe ma poulette sur le tapis de la salle de bain avec quelques jouets, et saute dans ma douche sans fermer le rideau pour l'avoir à l'oeil. Ce qui me permet d'arroser un peu les murs de la salle de bain.
Hop, à peine séchée, le cheveu humide, nous partons illico en forêt nous balader après avoir éteint les haricots de ce midi et rincé le concombre qui a suffisamment dégorgé.

En forêt, tranquille, on regarde les arbres, on guette les animaux, sous les étonnements joyeux de ma nénette qui alterne ses petits « ouh ! » habituels avec des exclamations sauvages et chargées en décibels...
Si jamais il y a encore une bête vivante (et pas sourde) dans cette forêt, elle ne doit pas être à moins de trois kilomètres.

Bon, et puis, il y les flaques, la boue, où Flore patauge joyeusement, même quand elle n'a pas de bottes, et comme elle saute dedans, elle s'en met partout, et je songe déjà qu'il va falloir la changer en rentrant et rajouter à la pile de lessive... Mais bon, ce sont les joies de la nature... D'autant plus agréable qu'au bout d'un moment Flore est fatiguée et me demande de la prendre sur mes épaules (parce que j'ai oublié la poussette)... pas de problèmes, je suis une mère modèle, je la porte malgré mes récentes névralgies cervico-bracchiales et, comme un bonheur ne vient jamais seul, elle partage la gadoue de ses chaussures et du bas de son pantalon avec ma chemise.

La promenade se terminant, je suis à la limite de la paracentèse car, sur mes épaules, Flore est plus près de mes oreilles, et quand elle appelle les champignons / sangliers / tronc d'arbres / feuilles..., ça me passe direct par la case tympan !

En voiture, bien sûr, elle ne manque pas d'étaler la gadoue sur le siège auto (pas grave, je le laverai aussi), et nous rentrons à la maison où je lui mets un petit dessin animé en vidéo (choisi avec soin) afin de pouvoir tranquillement finir de préparer mon repas. Flore, sur le canapé, se tord de rire quand le gentil lapin dit « Pif ! Paf » au gentil ours !
Ah tiens, j'ai oublié de la changer, elle a mis de la terre partout. Ce n'est pas grave, le sol avait besoin d'un bon coup d'aspirateur, et j'en profiterai pour gratter la gadoue écrabouillée sur le canapé.

On se met à table, toutes les deux (toujours la convivialité), même si en fait, je passe mon temps à me relever et me rasseoir : Malgré mon esprit prévoyant, il manque toujours un truc. A commencer par un rouleau d'essuie-tout, parce que, comme je viens – enfin - de la changer, malgré sa serviette gargantuesque, elle a réussi à laisser couler la crème du concombre sur le tee shirt propre.

Mais finalement, c'est sympa, Flore me fait un compte-rendu de sa balade en forêt (Abouda bouda ! Ouh ! Hiii ! ), je n'essaie même pas de lui répondre, parce que quand enfin j'arrive à me poser, c'est pour manger (froid), et que parler la bouche pleine, ça, une mère modèle ne le fait pas.

Après le repas, je vois se profiler l'heure de la sieste avec bonheur, mais j'ai encore quelques épreuves à subir avant : Flore se lève et retourne jouer un peu avant de se coucher. Pendant ce temps, je débarrasse, lave la vaisselle, l'essuie, la range, lave la table, balaie par terre, regroupe les petits pois éparpillés (tiens, un peu de bouillie de ce matin) cours ramasser Flore qui s'est cassé la figure du canapé, essaie de terminer mon fruit, m'en mets partout dans la manche (c'est pas grave, je n'ai pas encore eu le temps de changer ma chemise qui est, de toute façon, maculée de gadoue), vais changer Flore, pleine d'espoir : Dans dix minutes, elle sera partie pour deux heures de sieste.

Je la couche. Elle pigne, elle râle, re-pigne, fait la bouche carrée, déclenche la sirène, secoue son lit et là, je mets quelques instant un rideau sur mon film parfait et bing, elle se prend un remontage-de-bretelle-comme-ça-tu-pleures-pour-quelque-chose. Je la recouche donc dans d'horribles hurlements (forcément, si moi je lui crie dessus, ça va pas la calmer ! )
Je n'ai qu'une envie, c'est de la scotcher au mur, mais je suis une mère modèle...
Et là sans prévenir, elle s'endort d'un coup d'un seul.
Je sors de sa chambre sur la pointe des pieds :
- Bonne sieste ma poulette, dors bien (et longtemps, surtout !)...

Maintenant, je vais pouvoir me poser. Ouf ! Avant, ça, j'ai juste quelques petits trucs à régler : changer de chemise, brosser le canapé, balayer la terre de la salle, trier le linge, faire une lessive, laver la salle de bain, frotter les chaussures terreuses, nettoyer le siège auto, étendre le linge, faire mon lit, m'épiler les jambes, lancer une deuxième machine, et quand enfin j'attrape mon bouquin, parvient à mes oreilles le si caractéristique petit « ouh ! » qui me signifie que Flore a repris pied dans ce chouette petit quotidien bien peinard.

2 commentaires:

  1. Je me souviens bien d'avoir tenté être une mère modèle pour numéro 1..., puis j'ai réalisé que c'est une barre trop haute à franchir. J'ai donc choisi de passer sous la barre, de tout laisser en plan pour aller direct à la sieste pour les suivants.....

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