10 avr. 2014

60 - Les premiers pas en France


Les retrouvailles de Mattéo avec ses parents sont émouvantes. Le petit bonhomme est radieux, serre sa maman dans ses bras. Je suis ébahie de voir que le lien qui s'est créé en quelques jours, un mois plus tôt, est resté tellement fort chez un enfant si jeune.

Flore découvre ses grands-parents. Je me surprends à être fière quand Paul, mon beau-père, me dit qu'elle est très belle. Elle passe de bras en bras, chacun lui expliquant son lien de parenté. 
- Je suis ta grand-mère...
- Je suis ton grand-père...
- Je suis Dany...
- Je suis papi...
Je ne sais pas ce qu'elle comprend. Elle regarde, mi-amusée mi-grave, comme à son habitude, mes parents et ceux de Julien. Puis revient vite dans mes bras qui sont probablement pour l'instant ceux qu'elle trouve les plus rassurants. 

Je me demande, en la regardant observer tout autour, ce que cette montagne de chamboulements peut avoir de répercussions sur elle. Et ce que je ressens à ce moment précis, c'est que cette petite fille de seize mois a trouvé le juste équilibre sur ce chemin pourtant noueux. A l'aise, tranquille, elle y est parfaitement à sa place.

C'est une impression que j'aurai souvent à partir de maintenant, de trouver dans toutes les situations du quotidien que ma fille y est parfaitement à sa place.
Et je pense que c'est ça, en tout premier lieu, une adoption réussie.

Après avoir dit au-revoir à Françoise, Didier et Mattéo avec un pincement au coeur, nous rentrons dans notre village.

Ma première épreuve de mère est d'attacher ma fille dans le siège bébé de la voiture de mes parents.
Couchée sur elle (la pauvre), je cherche la logique dans ce fatras de sangles, qui bien sûr s'est emmêlé. Enfin, je crois. Car quand j'ai l'impression de l'avoir désemmêlé, ce n'est pas mieux.
C'est simple : il faut avoir fait polytechnique pour attacher un enfant dans un siège.
Quand enfin les sangles semblent s'aligner harmonieusement, c'est à dire passant sous le siège (lui même retenu par la ceinture de sécurité qui doit s'insérer bien droit dans un interstice mince et inaccessible), ressortant au bon endroit, puis à plat entre les jambes, encadrant la taille sans la serrer, par-dessus les épaules, mais pas trop près du cou, et que l'enfant n'est pas plié en deux à cause d'un mauvais réglage de longueur, vient l'épreuve de la fermeture. Trois morceaux de puzzle de plastique doivent s'imbriquer les uns dans les autres, à ne considérer fermé que quand on entend un clic (ou un clac).
Julien s'en mêle, mon père aussi, et chacun y va de son avis qui ne font que m'embrouiller davantage. Je n'ai qu'une envie, c'est de faire un nœud avec tout ça, elle sera aussi bien arnachée !
Mais ce ne serait pas conforme à la loi.
Alors reprenant mon souffle, je plonge à nouveau sur ma pauvre Flore et à force d'entêtement et d'agitation (et de repoussage de mains de Julien qui voudrait partager l'expérience), je finis par entendre le clic (qui en effet fait plutôt clac) libérateur.
Nous partons. Il était temps, je commençais à m'énerver un peu.

A l'arrière de la voiture avec Flore, je regarde défiler les paysages de la région parisienne de ce petit matin gris de septembre : Je les vois maintenant au travers d'un prisme nouveau, celui des longues rues chaudes, vivantes et bondées d'Haïti. Je sais que ma vision de la vie ne sera plus jamais pareille. Cela paraît disproportionné, peut-être, mais mon expérience pourtant courte de cette terre lointaine est liée à un attachement exceptionnel qui me la rend intime et vitale.

Des ballons multicolores, des banderoles et des dessins recouvrent les murs et le portail de notre maison. Ma sœur France et mon neveu Charles, qui a cinq ans, courent au devant de la voiture quand nous arrivons. Je découvre Flore dans les yeux de Charles. Il lui tend la main en lui disant bonjour. Flore est immédiatement sensible à ce signe tout simple de bienvenue. Elle lui attrape le poing, et lui fait un magnifique sourire.
Le monde des enfants a des mystères et des beautés dont nous devrions prendre exemple.

Ma sœur ne cesse de répéter en regardant Flore :
- C'est invraisemblable ! Non, mais, c'est invraisemblable !
Très complices comme nous l'avons toujours été, je comprends ce qu'elle veut dire, et nous commençons à en rire.
Le monde des sœurs aussi a ses beautés...
Je commence à ressentir la fatigue du jetlag et de la nuit blanche. La pression retombe enfin. Je suis chez moi.

Dans un sentiment d'irréalité, je m'asseois, ma fille sur les genoux, et nous prenons en famille un super petit déjeuner.
Puis, quand tout le monde repart, je m'allonge sur mon lit, Julien à mes côtés, Flore dans les bras, et nous dormons, dormons, dormons, comme jamais nous n'avons dormi.




8 commentaires:

  1. Je viens de parcourir votre blog du début à la fin. Quelle magnifique aventure semée d'embuches aussi grosse que des montagnes mais pour un résultat magnifique et magique. Bienvenue dans notre monde Flore, je te souhaite beaucoup de bonheur et d'amour. Quant a toi Mattéo ton voyage vers la Belgique aura été épique mais quelle grande aventure a te raconter plus tard :D

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    1. Bonjour Hélène, et merci pour votre commentaire. Oui, le chemin a été long et semé d'embûches, mais avec le recul, quel magnifique voyage ! ;-)
      A bientôt pour la suite !

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  2. Quelle belle photo <3 Et une famille très aimante, c'est super.

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    1. J'adore cette photo, Cléo... ;-)
      Merci pour ton commentaire et ta fidélité !

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  3. Plein d'émotions, comme d'habitude!!!! Et en conclusion, le repos des guerriers, en somme. Encore mille merci!

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    1. Le repos des guerriers, mais une nouvelle vie commence, et pas triste également ;-)
      Bises Véro !

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  4. ah oui repos après une nuit dans l'avion....je vois....nous aussi ça nous a fait ça : départ de Dakar à 23h30 arrivée à Paris à 06h00 environ - changement pour Bordeaux et arrivée vers 12h00...(évidement nuit blanche dans l'avion avec la petite COnstance endormie en travers sur les trois sièges) => l'aprem sieste pour tous...chez mes beaux parents (car pas encore de maison au retour, pendant 3 mois on est allés dans la famille, en gîte...nomades quoi...)

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