Il
ne s'agit pas de rester tout le temps enfermé dans l'orphelinat, et
même si cela doit se faire avec précaution à cause des risques
potentiels, Julien et moi avons envie de découvrir le pays de naissance de
notre enfant.
Nous avons peu de jours, une semaine, ça passe vite, surtout quand on compte qu'une expédition à Port-au-Prince prend toute la journée tant les déplacements peuvent être compliqués. Ca ne laisse pas trop de temps pour se balader.
Nous avons peu de jours, une semaine, ça passe vite, surtout quand on compte qu'une expédition à Port-au-Prince prend toute la journée tant les déplacements peuvent être compliqués. Ca ne laisse pas trop de temps pour se balader.
Le
dimanche matin, nous décidons, Julien, Fabienne et moi, d'aller
assister à une messe créole.
Nous grimpons l'inconcevable côte (45° de pente... à minima) qui nous mène à l'église. Ca commence bien, entre la chaleur et la montée (et un tout petit peu de kilos en trop, soyons honnête), je souffle comme un bœuf ! C'est Julien qui porte Flore, parce que là, pour moi, c'est pas du tout possible.
Nous grimpons l'inconcevable côte (45° de pente... à minima) qui nous mène à l'église. Ca commence bien, entre la chaleur et la montée (et un tout petit peu de kilos en trop, soyons honnête), je souffle comme un bœuf ! C'est Julien qui porte Flore, parce que là, pour moi, c'est pas du tout possible.
Nous
arrivons à l'église, enfin, plutôt une gigantesque bâtisse basse,
ouverte de partout et remplie de chaises et de bancs. De la
végétation entre par les fenêtres sans carreaux.
La cérémonie a commencé, la salle est blindée. Un homme qui semble faire partie d'un service d'ordre fait se lever deux personnes pour nous laisser la place. Je suis terriblement gênée et je refuse. Ces personnes sont là par conviction religieuse, nous, par curiosité... Je demande à Julien comment nous devons interpréter ce geste. Il me fait signe que lui aussi, ça le dérange.
La cérémonie a commencé, la salle est blindée. Un homme qui semble faire partie d'un service d'ordre fait se lever deux personnes pour nous laisser la place. Je suis terriblement gênée et je refuse. Ces personnes sont là par conviction religieuse, nous, par curiosité... Je demande à Julien comment nous devons interpréter ce geste. Il me fait signe que lui aussi, ça le dérange.
Nous restons près de la porte de sortie, appuyés contre le mur.
Toutes les personnes présentes sont habillées avec soin. Beaucoup de petites filles, nattées avec de beaux nœuds roses dans les cheveux, portent des robes bleu marine sobres mais agrémentées du même ruban rose. Nous sommes les seuls à être en jean.
De
l'autre côté de la salle, sur une estrade, un grand homme habillé
de blanc s'époumone dans un micro. Son sermon est en créole, avec
de-ci de-là quelques mots en français. Il parle à toute allure,
fait des moulinets avec les bras, ponctue ses phrases d'imposants
« Alléluia » que reprennent en choeur les quelques
deux-cents fidèles qui sont là, assis, debout, aux fenêtres, aux
portes, sur le toit...
J'ai
même du mal à comprendre les termes français, tant il parle vite.
Un mot cependant revient sans cesse dans la logorrhée verbale
de l'orateur : Nicodème.
Et
quand je dis sans cesse : en une demi-heure, il a dû être
évoqué une centaine de fois !
Au début, vu sa gestuelle, je me demande si Nicodème n'est pas son propre prénom (comme s'il disait : moi, Nicodème, votre serviteur, ou un truc comme ça). Cela dit, au bout d'un moment, tout de même, soit il a un égo surdimensionné, soit ce n'est pas lui. Du fin fond de mes années de catéchisme, me revient le vague souvenir que Nicodème était un des premiers disciples de Jésus.
Bon, ça paraît plus cohérent avec la situation, et j'opte pour le disciple.
Un voisin nous apprend que la messe pouvait durer jusqu'à trois heures.
Trois heures...
Une
heure à alterner « Nicodème » et « Alléluia »,
c'est déjà amplement suffisant, alors nous quittons la messe, qui
pourtant avait quelque chose d'envoûtant.
A moins que ce ne soit la chaleur...
L'après-midi, deux bénévoles de l'orphelinat nous emmènent dans Pétionville, visiter et acheter des souvenirs.
Dans la ville, des vendeurs des rues nous sautent dessus, nous montrant des reproductions de tableaux d'art naïf accrochés sur les murs ou posés à même les trottoirs.
Une femme se jette sur moi, me propose de vieux bibelots, m'attrape la main, me montre Flore en m'expliquant quelque chose. Elle n'a qu'un œil, la bouche édentée, des plaques de teigne sur la tête. Je la repousse aussi gentiment que je peux. Elle revient à la charge, agressive, et pointe son doigt vers moi, menaçante. Dans un moment d'égarement, je me dis qu'elle est en train de me jeter un sort, et que notre avion va s'écraser lors du voyage de retour.
Oui, je sais, c'est nul.
Mais je revendique le droit aux pensées absurdes. Un peu à la Meursault... Enfin... sans aller jusqu'à tirer cinq coups de revolver sur cette femme.
A moins que ce ne soit la chaleur...
L'après-midi, deux bénévoles de l'orphelinat nous emmènent dans Pétionville, visiter et acheter des souvenirs.
Dans la ville, des vendeurs des rues nous sautent dessus, nous montrant des reproductions de tableaux d'art naïf accrochés sur les murs ou posés à même les trottoirs.
Une femme se jette sur moi, me propose de vieux bibelots, m'attrape la main, me montre Flore en m'expliquant quelque chose. Elle n'a qu'un œil, la bouche édentée, des plaques de teigne sur la tête. Je la repousse aussi gentiment que je peux. Elle revient à la charge, agressive, et pointe son doigt vers moi, menaçante. Dans un moment d'égarement, je me dis qu'elle est en train de me jeter un sort, et que notre avion va s'écraser lors du voyage de retour.
Oui, je sais, c'est nul.
Mais je revendique le droit aux pensées absurdes. Un peu à la Meursault... Enfin... sans aller jusqu'à tirer cinq coups de revolver sur cette femme.
Une
des bénévoles me vient en aide, et explique quelque chose en créole
à la femme qui repart dans son coin, non sans m'avoir lancé le
mauvais œil (pense-je).
Nous arrivons à la boutique de souvenirs. Un attrape-gogo. J'aurais préféré acheter dans la rue, mais si c'est pour me prendre plein de mauvais yeux...
Et puis, dans cet univers coloré, gai, où des mobiles pendent du plafond et des bibelots multicolores s'entassent sur les étagères, Flore nous fait la faveur de son premier babil. Dans les bras de son papa, elle le prend à témoin en lui montrant les vitrines et lui débite tout un tas de petits ba bi ba bou.
Nous finissons par acheter sans conviction quelques babioles typiques et repartons.
Les filles nous emmènent au marché. Et là, c'est impensable. Le 4x4 fend une foule de personnes et d'étals où tout se vend. Nous stoppons près d'une femme qui tient devant elle un gros récipient en fer qui fume. Des fruits jaunes dépassent de cônes en papier journal. Ce sont des bananes plantains frites.
Les
bénévoles en achètent plusieurs que nous nous partageons. Le fruit
est légèrement salé, craquant à l'extérieur et fondant à
l'intérieur ! Ouh la que c'est bon ! Je mangerais bien le
cône entier, moi.
Bon, c'est gras aussi, mais on va pas chipoter : L'important n'est-il pas de goûter aux spécialités locales ?
Pour finir, nous montons sur les hauteurs de la ville, pour une vue panoramique sur Port-au-Prince et la mer ! Le soleil est au plus haut, il fait une chaleur de dingue, une brume de pollution recouvre la ville, qui n'a presque pas d'espaces verts, mais cette vue de la capitale haïtienne est époustouflante.
J'imagine tous les enfants qui y naissent, les existences qui s'éteignent, les affaires qui s'y font, les baisers qui s'échangent, les coups de rein et les coups de poings, les violences et les souffrances, les bananes qui cuisent, les fous-rire et les chansons, les prédicateurs et Nicodème, toutes les vies qui se déroulent à nos pieds.
Flore, bien calée dans son porte-bébé, regarde un instant les toits colorés de la grande ville, puis s'endort d'un coup, indifférente aux histoires qui se jouent tout autour d'elle.
Bon, c'est gras aussi, mais on va pas chipoter : L'important n'est-il pas de goûter aux spécialités locales ?
Pour finir, nous montons sur les hauteurs de la ville, pour une vue panoramique sur Port-au-Prince et la mer ! Le soleil est au plus haut, il fait une chaleur de dingue, une brume de pollution recouvre la ville, qui n'a presque pas d'espaces verts, mais cette vue de la capitale haïtienne est époustouflante.
J'imagine tous les enfants qui y naissent, les existences qui s'éteignent, les affaires qui s'y font, les baisers qui s'échangent, les coups de rein et les coups de poings, les violences et les souffrances, les bananes qui cuisent, les fous-rire et les chansons, les prédicateurs et Nicodème, toutes les vies qui se déroulent à nos pieds.
Flore, bien calée dans son porte-bébé, regarde un instant les toits colorés de la grande ville, puis s'endort d'un coup, indifférente aux histoires qui se jouent tout autour d'elle.
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