26 - Haïti, le premier contact

Le troisième pays sur lequel nous avons jeté notre dévolu, c'est Haïti. Pourquoi Haïti ? Franchement, je n'en sais rien. Peut-être parce que les démarches y semblent moins lourdes qu'ailleurs ?
De toutes façons, je te l'ai dit, l'origine de notre enfant nous importe peu, alors...
Comme conseillé par le ministère des affaires étrangères, je me connecte sur le site des affaires sociales en Haïti, l'IBESR, et là, je découvre qu'il existe plus d'une centaine d'orphelinats dans ce petit pays. La procédure, c'est d'envoyer des pré-dossiers aux directeurs des orphelinats, qui t'acceptent, ou non.

Ce que nous faisons.
Nous préparons dix (pré)-dossiers, (j'abrège le détail des documents, tu sais tout, maintenant), et je choisis dix orphelinats. Au feeling. Selon leur nom, pour certains. Des noms qui n'ont rien à envier aux O.A.A.
Et j'envoie (smack !). Sachant que la poste mettra un mois environ pour acheminer les dossiers. Croisant les doigts pour que les directeurs de crèche répondent par mail, sinon, on n'est pas arrivé.

Entre-temps, je m'inscris dans un forum d'adoptants pour Haïti, parce que l'expérience des autres, ça aide. Voire, ça fait tout, parce qu'à part madame Marvel, les conseils des professionnels de l'adoption, on n'en a pas trouvé bézef.

Mais je découvre que l'expérience des autres, c'est aussi source d'angoisse, chacun défendant – assez véhémentement, je trouve - « son » orphelinat : qui le meilleur, qui l'attribution la plus rapide (je te reparlerai de l'attribution), qui les procédures les plus rigoureuses, qui le suivi médical des enfants le plus pointu etc etc.

J'ai un peu le temps de me faire des idées, entre le mois d'acheminement, plus le délai de réponse, alors je me tape à relire tout le forum, pour tenter d'y voir clair. Et en fait, plus je lis, plus je m'embrouille. C'est flippant. Ma future vie avec mon futur enfant dépend de ma clairvoyance en la matière, et j'y clairvois rien du tout dans le gallimatia passionnel déballé par des parents qui placent leur honneur dans le choix d'un orphelinat plutôt qu'un autre...

Alors j'attends. Me disant que selon les réponses à nos dossiers, j'aurai sûrement une vision à ce moment.
Et les réponses arrivent.

Petite liste :

- Un pasteur et sa femme acceptent notre dossier et nous proposent leur démarche, qui est de soustraire un enfant de l'orphelinat où il est pour l'élever eux-mêmes en bon père de famille pendant la durée de la procédure (entre un et deux ans).
Je ne le sens pas du tout : cet enfant a déjà subi le traumatisme d'un abandon, il va s'attacher à cette famille de substitution, pour subir une nouvelle séparation quand nous irons le chercher.
Nous lui répondons non.

- Une directrice d'orphelinat nous abreuve de mails enthousiastes, de documents, de poèmes. Oui, elle va avoir une petite fille pour nous, vous allez très vite être maman et papa, bravo, bravo, bravo...
Un peu trop enthousiaste. J'ai peur que ça cache quelque chose.
Nous lui répondons non.

- Une congrégation de sœurs nous répond qu'en effet, elles peuvent rapidement nous attribuer un enfant. Cependant, comme elles ne sont pas habilitées par l'IBESR (les services sociaux haïtiens), elles s'arrangeront autrement pour la procédure.
Nous leur répondons non.

C'est terrible, hein, de dire non quand on te propose de réaliser ton rêve le plus cher. Avec Julien, on se met bien dans la tête que ce n'est pas un enfant qu'on repousse, mais la structure qui nous le propose.
Parce que, n'oublions pas, c'est bien de cela qu'on parle : d'avoir un enfant.
Pas une marchandise.
Je sais, c'est terrible de penser ça. Mais, Julien et moi, on veut être au clair. On ne peut pas se laisser séduire, ni tenter, ni acheter. Ce n'est pas un enfant à n'importe quel prix.

Et pourtant, en toute honnêteté, quand on te dit qu'il y en a un, juste là, qui t'attend, ça te fait de véritables nœuds dans la tête et dans le cœur.