25 mars 2014

52 - Café, cafards et tourista


Nous sommes réveillés aux aurores. La jour apparaît aussi vite que la nuit tombe, et à 5 heures du mat', nous sommes frais (enfin, ce n'est pas vraiment le terme exact) et dispos.

Il faut dire qu'on se couche tôt, aussi. Avec toujours le même rituel : On dîne à 17 heures, après la prière (je n'ai pas dit : la directrice de l'orphelinat, qui est américaine, est méthodiste). 
Bon ! 
Julien et moi, on joue le jeu, on se met en rond avec tout le staff, et on fait « ouinch ouinch ouinch » avec notre bouche pour avoir l'air de dire quelque chose. 
Comme ça, tout le monde est content.

On dîne (j'y reviendrai) puis on va se promener avec Flore dans la grande cour de l'orphelinat, et assister sur une terrasse (encore une autre terrasse, dont la vue sur les montagnes environnantes est assez sublime aussi) au coucher du soleil (on perd pas de temps avec ça, le temps de dire : Pif ! Et il est couché !). 

On va mettre Flore au lit, on (enfin, je) badigeonne les entourages de fenêtres de toutes les formes de Baygon existantes (spécial volants, rampants, glissants, sautants...), car il n'y a pas de carreaux.
Seulement des barreaux, qui n'ont pas pour vocation d'arrêter les moustiques et les tarentules. 
Et une béance pareille vers la chair fraîche que nous sommes, c'est la porte ouverte (enfin, la fenêtre) à une promesse de curée entomologique (ou pire : arachnologique) !

On éteint les lumières pour les mêmes raisons, et moi qui ne peux m'endormir sans lire, je me cache sous mon drap avec mon bouquin et ma lampe frontale (hihi) comme quand j'étais ado.
Amer constat, ma vue est légèrement moins bonne qu'à l'époque.
En plus, il fait à peine chaud, sous le drap.
Julien et moi avons des lits séparés par une commode.
On ne peut pas se parler trop fort pour ne pas réveiller Flore.
Alors du coup, si on ne peut pas lire, pas parler, et pas... enfin... vous voyez, quoi, ben à 21 heures, on dort.
Alors forcément, à 5 heures du matin, après huit heures de sommeil de plomb, on est en forme !

Réveillés avant tout le monde, nous décidons d'aller prendre le petit déjeuner. Julien, grand spécialiste du café, prend les choses en main. D'habitude, il y a toute une équipe de cuisinières, mais elles ne sont pas encore arrivées.

Qu'à cela ne tienne, Julien s'empare de la cafetière, et va pour vider le marc de café de la veille dans l'évier.
Chose étrange, en Haïti, le marc de café marche. Il court, même. Nous penchant sur la question (et sur l'évier), Julien et moi découvrons des dizaines de cafards qui ont passé la nuit dans le filtre !
Je n'ai pas mon Baygon sur moi (quelle honte, de penser Baygon à longueur de journée...), mais, pleine de sang froid, je pars en courant dans tous les sens pour m'éloigner au plus vite d'une éventuelle rébellion de cancrelats.

Là où je m'aperçois que je suis réellement devenue mère, c'est que dans mon réflexe de survie, j'emmène aussi ma fille (qui doit se demander pourquoi tant de cris et secousses). Cela dit, vu qu'elle était déjà dans mes bras, j'allais pas non plus la poser par terre avant de décamper.

En revanche, je laisse Julien se débrouiller avec la colonie de blattes torréfiées : C'est un homme, après tout.

Un peu calmée (et surtout éloignée), j'essaie de me rappeler le goût du café de la veille. Parce qu'on ne me la fait pas : forcément, dans le lot, y'en a bien un ou deux qui a été moulu, non ?

De loin, j'aperçois Julien qui se bat avec l'évier en sautant en l'air. Ca n'a pas trop l'air de lui plaire non plus, les cafards. Mais je n'irai pas l'aider. Faut bien que quelqu'un s'occupe de Flore !
Finalement, il gagne le combat en noyant les bestiaux dans les canalisations, puis vide et revide et lave et relave le filtre, inspecte toute la cafetière, et fait du café qu'on s'empresse de boire à peine passé.
Au cas où.

Les cuisinières de l'orphelinat sont de vraies cordons bleus. Elles nous concoctent de délicieuses spécialités culinaires haïtiennes qu'on goûte avec plaisir. Ce qui revient à presque chaque repas - le plat haïtien par excellence - c'est le poulet avec du riz à la sauce pois (« sos pwa », composée entre autres de haricots noirs ou rouges, de piments et d'ail). Comme toute la cuisine créole, c'est assez épicé, mais qu'est ce que c'est bon.

Souvent, à table, il y a des crudités. Au début, je me retiens d'en manger, de crainte de me taper une tourista... mais en fait, je ne tiens pas longtemps, et finalement, me jette sur les tomates et surtout sur les avocats. Je n'ai jamais mangé d'avocats aussi bons. Voire même, je pense que je n'ai jamais mangé de
véritables avocats. Ils sont, comment dire, fondants, goûtus... divins !

Bien évidemment, malgré le riz qui pourrait faire antidote, je suis rapidement obligée d'agrémenter mes repas d'imodium et de smecta, mais tant pis ! 
C'est trop bon !

Et c'est toujours ça que les cancrelats n'auront pas !


3 commentaires:

  1. Et les rats!! Tellement gros qu'au début j'ai cru voir des chats dans la pénombre!! Bises
    Cat maman des tornades

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    1. Les rats ! Des mastars ! J'en parle dans un prochain épisode ! ;-)
      Bises aux tornades :-D

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  2. Beurrrkkkk, eurrrrkkkk, aarrrkkkk
    Les barreaux, seulement, pas de semblant de moustiquaires un peu percées ?
    Oulala, la trouille que j'aurais eu....

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